« Codex Lethalis », de Pierre-Yves Tinguely

Critique de le 25 mars 2013

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (19 votes, moyenne: 4,53 / 5)
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Psychologie

Pierre-Yves Tinguely nous a réservé une place de choix pour suivre cette course contre la montre. Une chasse morbide, un subtil jeu de piste dont les règles échappent totalement aux enquêteurs que nous côtoyons dans cette intrigue. Une traque mêlant plusieurs ingrédients; technologie de pointe, ésotérisme, haine et vengeance – ça va de paire – et une bonne dose de suspense qui donne un rythme soutenu au roman.

Le dosage est élaboré, ce qui permet à l’intrigue d’acquérir une spécificité que je n’ai encore jamais eu l’occasion de rencontrer. A commencer par les enquêteurs qui ont tous un rôle particulier à tenir pour venir à bout de cette chasse qui leur laisse toujours un temps de retard. Une progression qui ne se fait pas facilement, mais subtilement et avec des moyens qui sortent de l’ordinaire.

Comme je l’ai mentionné avant, l’auteur mêle quelques éléments surnaturels à l’enquête, ce qui, dans un premier temps, m’a fait un peu souci. Je ne suis pas un grand adepte du paranormal dans un roman mais au fil de la lecture, j’ai pu ravaler ce sentiment car je le répète encore une fois, le dosage est impeccable. Pierre-Yves Tinguely a trouvé le moyen de donner un côté réel, concret, voir scientifique à ce que nous pouvons prendre pour du « paranormal ».

Ce terme désigne en principe des phénomènes que la science actuelle ne peut expliquer; Jean-Yves Tinguely, avec une belle maîtrise de son sujet, remet presque en question cette définition et nous donne une explication substantielle, son explication. Le rationnel et son inverse se fondent relativement bien, ce qui n’est, à mon sens, pas si facile à obtenir.

L’auteur met en scène un groupe d’enquêteurs très hétéroclite, ce qui n’est pas un luxe pour contrer un adversaire plutôt difficile. Tout d’abord le binôme Jason Reeds et Francklin – Franck – Harris, qui forment l’élément officiel des forces de police. Nous rencontrons également le détective Marc Devis qui a été mis dans la course par le richissime James Ritter, père d’une des victimes. Ce détective est l’élément fort au niveau des sens pour mettre de la lumière dans cette enquête.

Et justement, la lumière, c’est son truc. Marc Devis est doté d’un don – gènes familiaux oblige! – et est capable de ressentir et de capter certaines énergies émanant d’un objet, d’un lieu ou d’une personne, tels que le mal, le négatif, la peur, la violence, la douleur ou encore la souffrance. Ces perceptions apparaissent devant lui sous la forme de lumière, une sorte de halo, d’émanations très concrètes à ses yeux. Un personnage qui va permettre aux enquêteurs de prendre de l’avance – sur leur retard – dans cette course-poursuite, un peu malgré lui, il faut le dire.

Albert Tustin, ancien prêtre, fait également partie de ce team. Ce grand collectionneur de livres anciens et ésotériques ne va pas être de trop pour donner quelques réponses à des questions plutôt absconses dans cette enquête particulière et pourtant bien concrète, dont un des volets les conduira dans le domaine de l’occultisme, soit des sciences secrètes et surtout bien gardées.

L’auteur donne un rôle bien précis à tous ces protagonistes qui n’auront pas d’autre choix que de s’unir et d’accomplir un vrai travail d’équipe. L’auteur a su leur donner une belle épaisseur, chacun avec sa particularité utile à cette enquête. Ah j’oubliais, il y a encore le domaine informatique. L’auteur use merveilleusement bien avec les clichés que nous nous faisons des malades d’informatique, à l’image, ici, de ce gros plein de soupe qui pourrait certainement un jour se greffer une souris à la place de la main et cliquer des doigts sur la table en attendant une nouvelle mission virtuelle!

Nous sommes à Los Angeles et dans ses environs – pas besoin d’un auteur américain pour se retrouver là-bas! -, ambiance sombre comme l’atmosphère de ce jour particulier du mois d’octobre. Reeds et Harris sont appelés sur une scène de crime d’une extrême violence; toute une famille décimée, père, mère et petite fille. Le père, Harold Buchanan, semblant être l’auteur de cette boucherie, s’est lui-même fini à la hachette. En termes de boucherie, difficile de faire plus sanglant. L’auteur ne nous épargne pas grand chose, trouvant tout de même les mots pour ne pas faire dans le sanglant gratuit et facile.

L’autopsie va révéler un fait plutôt inhabituel; le père de famille n’est pas mort de ses blessures auto-infligées, mais ses globes oculaires et son cerveau ont bouilli. Un élément déclencheur a provoqué ce massacre et cet élément, révélé plus tard lors de l’enquête, est plutôt troublant; Harold Buchanan a visionné une vidéo sur son ordinateur juste avant de passer à cet acte abominable. Cette vidéo, ce qu’elle contient, sera la clé qui va ouvrir une porte qui n’aurait même pas dû s’entrebâiller, un accès débouchant sur des secrets ancestraux qui n’auraient jamais dû être découverts.

Harold Buchanan devient le simple maillon d’un meurtre commis par procuration. Le maillon d’une chaîne qui va en contenir malheureusement bien d’autres.

L’homme responsable de cette machination bien rodée, atteint par la haine, le dégoût, l’écœurement puis par la folie, sera rapidement identifié mais demeurera introuvable et intouchable. Néanmoins, le temps jouera en sa faveur, son rituel ne s’arrêtant plus. Les enquêteurs, avec leurs précieux alliés, vont devoir aller chercher dans le passé d’une des victimes pour trouver des réponses – le lien devenant rapidement évident –  et, par la même occasion, pour atteindre cet homme dont l’âme est définitivement perdue.

Cet homme, déjà redoutable en soi, va se retrouver en possession d’un secret séculaire bien gardé qui renfermait peut-être ce que nous pouvons appeler le mal à l’état pur.

Lorsque l’informatique, la technologie de pointe et la science se frottent d’un peu trop près de l’occultisme et de l’ésotérisme, cela provoque et déclenche, sous la plume de Pierre-Yves Tinguely, une réaction en chaîne infernale. Ce qui a commencé par être un problème de sécurité nationale, devient rapidement une difficulté majeure de sécurité planétaire, rien que ça.

Intéressant de suivre le processus de cet homme paranoïaque qui joue sur son propre terrain, qui perd totalement la maîtrise de soi mais, paradoxalement, qui ne commet pour ainsi dire aucune faute. Le « Codex Lethalis » est désormais en sa possession et il va s’en servir pour plaider sa cause.

Pierre-Yves Tinguely, par cette intrigue aux ramifications multiples, nous démontre jusqu’où peut aller un homme qui a perdu tous ses repères; une être qui cultive et nourri une haine qui a pris sa naissance dans le passé. L’auteur ajoute quelques notes d’irrationnel afin de nous démontrer un autre aspect de notre civilisation, soit ce que nous pouvons être ou devenir sans les garde-fous qui nous retiennent depuis la nuit des temps. Selon Pierre-Yves Tinguely, la technologie de pointe et les vieux « grimoires » ne sont de loin pas incompatibles; ici, pour pouvoir cracher sa haine et rétablir la situation – sa propre situation! – au plus haut niveau.

Soit dit en passant, l’image de la couverture du livre semble reproduire à merveille le démon qui, normalement, se terre en nous mais qui, ici, a trouvé l’occasion ultime de reprendre vie.

Le rythme et le suspense sont les grands atout de ce roman. Vers le dénouement, je me suis surpris à lire plus vite que je n’en étais capable, ce qui a eu pour conséquence des retours en arrière pour me reprendre! Cela prête certainement à sourire, et pourtant…

Bonne lecture

« Codex Lethalis », de Pierre-Yves Tinguely

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