« L’autel des naufragés », d’Olivier Maurel

Critique de le 10 juillet 2013

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (17 votes, moyenne: 4,47 / 5)
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Roman

Ce roman met en scène deux personnages « forts » et totalement opposés; l’un est flic et l’autre un tueur en série atteignant la jouissance suprême uniquement en engendrant la pure souffrance à ses victimes. Mais paradoxalement, sur un point, ils ne sont pas totalement différents, si j’ose me permettre; ils sont tous les deux habités par des pulsions malsaines, un instinct de tuer. Mais pas vraiment pour les mêmes raisons…

Le flic, c’est Andréa Slick, 32 ans, intuitif, froid et pessimiste. Venant du plus profond de son âme, des idées de meurtres envahis tout son espace cérébral; une âme totalement torturée et déstabilisée. Face à des suspects, tirer une balle dans la tête serait la solution, surtout pour lui, pour se décharger. Étrange flic, performant, droit, mais aux idées noires, – un instinct de tueur – , des pulsions malsaines. Un paradoxe psychologique étonnant pour ce flic pourtant efficace, intègre et relativement juste!

Se noyer dans l’alcool l’aide à vivre avec ces idées étranges, pour faire face à son subconscient qui le tiraille dans tous les sens; beaucoup d’alcool même. Pourquoi Andréa Slick doit-il faire face à tout cela?

La cause de cette tourmente cérébrale provient de cet héritage génétique qui n’échappe pas aux hommes de la famille Slick, cette capacité à percevoir la mort imminente d’un individu; toujours à travers les yeux de la future « victime » qui deviennent complètement blanc, sans âme, sans vie. Andréa Slick doit faire face à cette tare envahissante, invivable et destructrice.

Le suicide serait une solution. C’est celle qu’a choisi son père en prenant conscience que l’instinct de tueur l’envahissait de plus en plus. Comme lui, Andréa Slick a toujours voulu partir, mourir, lâcher prise, pour ne pas devenir comme son père qui s’est donné la mort au domicile familial pour échapper à ses démons. Mais sa conscience évolue, s’adapte, et l’arrivée de sa nouvelle compagne, Anna, va certainement l’aider à rester à flot et ne pas sombrer dans les abîmes de son âme déjà bien lourd.

Concernant le tueur, c’est une autre histoire. Un homme déterminé utilisant comme terrain de chasse les lieux de rassemblement de jeunes fêtards dans un quartier de Paris. « Se faire choisir » par sa future victime, c’est le pied pour lui. Un homme ayant besoin de dominer, s’octroyant le pouvoir de vie et de mort. De plus, il y a cette mission – le Plan comme il l’appelle – soit d’exterminer les personnes ne méritant pas de vivre, garder une race pure et méritante. Les roux, les obèses, pour donner un exemple, n’ont pas la place sur cette planète et doivent être éliminés.

Un tueur acharné, totalement apathique, violent, sans âme, sans compassion, qui tue pour assouvir sa soif de sang, pour trouver la jouissance. Méthodes extrêmes et puissamment violentes. Besoin crescendo de faire souffrir, d’éliminer, cela ne s’arrêtera plus. La souffrance est le maître mot pour cet être qui va jusqu’à se tatouer sur le corps des passages de « Mein Kampf » et la croix gammée sur son sexe.

Le célèbre naturaliste anglais Charles Darwin (1809 – 1882) – spécialiste de l’évolution des espèces vivantes – semble être son maître spirituel, à en juger par les citations que le tueur tatoue sur ses victimes. Et qui dit Charles Darwin, dit sélection naturelles.

Mais le lecteur découvrira peut-être que ce psychopathe ne fait pas cela uniquement pour lui. Le lecteur découvrira également que cet homme, sûr de lui, commettra une grosse erreur qui va terriblement le déstabiliser.

Nous sommes en février 2009, région parisienne. Un chien découvre durant sa promenade matinale un cadavre de femme, gelé, à moitié enfouis dans un monticule de neige; tatoué sur son corps, numéro 1.

Parallèlement, nous sommes témoins des actes de ce fameux tueur qui semble avoir un terrible appétit sanguinaire; tranchant les veines de sa victime pour en boire tout son sang. La scène, décrite par Olivier Maurel, fait froid dans le dos tant son écriture est elle-même froide et surtout sans espoir. Au terme du massacre, le corps sera tatoué; numéro 2.

Notre commissaire Andrea Slick, chef de la BRI (brigade de recherche et d’intervention) de la DCPJ (direction centrale de la police judiciaire), sera mis sur l’affaire de cette jeune fille, âgée de 15 ans, retrouvée dans la neige.

L’autopsie révélera bien des choses, notamment qu’elle a été agressée sauvagement et maladroitement – assommée, poignardée, égorgée, puis achevée de deux balles dans la nuque; les yeux ont été arrachés. La victime était également passablement tatouée dans le genre « satanisme ». Par contre, un tatouage semble avoir été accompli par le tueur, un « soleil noir » – croix gammée à 12 branches – avec le chiffre 18 au centre. Ce soleil noir était utilisé par un groupe SS créé par Heinrich Himmler, l’Ahnenerbe, chargé d’organiser des expérimentations sur les déportés en camp de concentration.

Une phrase provenant d’un ouvrage de Charles Darwin est également visible sur le corps, en ce jour du bicentenaire de cet homme célèbre.

Les renseignements obtenus vont diriger Andrea Slick et son collègue Alex Arnaud, son opposé (optimiste, grande gueule, toujours le mot pour rire), vers le monde des Hells Angels ou encore vers un endroit surprenant, très prisé par les jeunes en manque de sensations fortes et morbides; les catacombes de Paris.

L’auteur réalise une belle performance au niveau de la maîtrise de ses sujets. L’univers des Hells Angels est relaté avec précision, fournissant énormément de détails sur leurs méthodes, leur organisation, leur hiérarchie ou encore leur détermination. Pour donner un autre exemple, Olivier Maurel nous permet de faire une visite complète des catacombes de Paris, enchevêtrements de couloirs, de tunnels ou de passages serpentant sous la capital et menant vers des salles morbides et inquiétantes, désormais exploitées par une catégories de personnes se sentant dans leur milieu. L’auteur semble connaître les lieux par coeur, c’est franchement fascinant.

Je tiens encore à relever la grande qualité dont l’auteur fait preuve pour brosser une intervention de police, pour rapporter, pas après pas, la mise en place puis l’exécution d’un dispositif. L’action est du 100% live, être dans le feu de l’action prend tout son sens et la pression – la tension – réglé par l’auteur garde toute sa force durant les évènements « coup de poing ». Pas de flics super héros, tout le monde en prends dans la gueule, c’est réaliste, crédible, authentique et surtout exact. L’auteur, en nous faisant évoluer dans son roman, place une importance non négligeable sur la psychologie policière en nous démontrant que personne n’est infaillible, surtout pas un flic.

Olivier Maurel n’a certainement pas navigué à vue pour nous décrire ces évènements techniques et tactiques, mais j’imagine une sérieuse et fine préparation pour que sa plume nous lâche une encre nette, précise et rigoureuse.

Le roman prend quelques accélérations surprenantes et les révélations fusent à droite et à gauche. Des corrélations sont mises à jour au cours de l’histoire et les lecteurs que nous sommes prenons toutes ces informations et pleine face et violemment. L’auteur scinde l’intrigue en courts chapitres qui se succèdent et donnent ainsi un rythme intéressant, dévoilant moult informations, justement.

L’auteur, ex-directeur de prison, aujourd’hui sous-Préfet, ne manque pas de nous faire profiter de son expérience vécue pour aborder son histoire. Il s’agit d’un point non négligeable qui permet d’obtenir des détails précis et surtout exacts.

Un récit dur, sanglant et dérangeant, qui garde, tout de même, beaucoup de valeur sur la nature humaine. Bonne lecture.

Détails sur « L’autel des naufragés », d’Olivier Maurel

Isbn : 9791092016291

« L’autel des naufragés », d’Olivier Maurel

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