Patrick Lapeyre La vie est brève et le désir sans fin

Critique de le 23 novembre 2010

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (174 votes, moyenne: 4,11 / 5)
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Psychologie Roman

patrick-lapeyre.jpgBlériot le héros du livre est un type très souple qui  joue l’élastique entre deux femmes. Conservera-t-il les deux femmes ? Qu’adviendra-t-il de son élasticité et de sa jeunesse ?  La vie de Blériot sera-t-elle entravée par le fait que, chez lui,  besoin sexuel et désir  se jouent exclusivement dans l’interdépendance sadomasochiste des cas-limites.

UNE VIE ELASTIQUE DE BIGAME

Blériot, bigame convaincu pense  « que tous ceux qui n’ont jamais aimé deux femmes à la fois sont condamnés à rester des hommes incomplets » (p.253)

Il aime Céline sa femme et Nora sa maîtresse, craignant « que si par malheur il sacrifiait l’une, il perdrait aussitôt l’autre. Comme ça se passe dans les légendes. » (p.253)

Quand il dit cela, Blériot est encore jeune. Il a le temps et la souplesse de faire l’élastique entre les deux femmes.

Il se sent éternel. Sa vie est élastique, il passe avec facilité de la scène de ménage la plus violente à la sexualité la plus torride. Il a devant lui l’immensité du temps et le sentiment optimiste d’immortalité des jeunes gens.

PERDRE L’ELASTICITE FAIT VIEILLIR

Blériot en quelques mois perd cette élasticité du possible qui le rendait éternel. Il en a la nostalgie. Il est devenu prématurement vieux.

Pour lui, maintenant, LA VIE EST BREVE.  « Tous les hommes ont la nostalgie de ce temps énorme où la vie avait encore l’élasticité du possible » (p.174)

L’érosion de ce temps, pourtant énorme au départ, nous est contée au décours de mésaventures sentimentales qui le font vieillir. Seul son pas est resté élastique :  « Il marche ensuite au soleil le long de la promenade d’un pas relativement élastique, vêtu d’une sorte de blouson avec une capuche, qui ne laisse voir que son nez et sa cigarette au coin des lèvres. » (p.329)

Est-ce la folie de sa vie débridée qui l’a fait vieillir d’une façon accélérée ? Blériot a-t-il bouffé la vie comme une peau de chagrin balzacienne ? Non.  La  réponse est dans le titre : LE DESIR EST SANS FIN, infini, immensité qui ne peut trouver place dans une vie si brève.

BESOIN SEXUEL ET DESIR d’UN MASOCHISTE

Mais de quel désir s’agit-il ? Sans doute de la traduction psychologique du besoin sexuel qui taraude les personnages du livre. Un désir s’exprimant par de la demande. Demandes explicites et demandes implicites traduisant ce qui s’ignore dans la requête constante de Blériot.

Jusqu’à la dernière page du livre, la vie a pour Louis Blériot, cette élasticité qui rend tout possible.

Temps élastique permettant de vivre une double vie et d’aimer ensemble maîtresse et femme légitime.

Un temps élastique permettant une « capacité intacte de dédoublement » (p.262) Temps élastique grâce auquel les erreurs peuvent se corriger. Il suffit de promettre à une femme de rompre avec sa rivale.

Pour l’homme élastique, un peu de temps arrange tout. Louis Blériot a une femme et une maîtresse. Il est heureux ainsi. Larbin ménager de sa femme Céline, il rejoint Nora comme un homme traqué et lui donne une liasse d’euros pour retarder son départ vers Murphy, son autre amant. Oui, retarder son départ, GAGNER DU TEMPS.  Céline et Nora le dominent, ce qui déculpe son masochisme originé par un modèle parental dans lequel une mère hilare sadise un père et un fils terrifiés. Blériot, « coulé dans le moule de l’anxiété paternelle a l’impression que tout à l’heure sa mère va lui allonger une gifle » (p.177)

INTERDEPENDANCE SADOMASOCHISTE CHEZ DES CAS-LIMITES

Préparé depuis l’enfance à l’interdépendance sadomasochiste et à la dramatisation des situations de couple, Blériot se fait taper dessus par Nora, lors d’ une scène de ménage caractéristique de ceux que l’on désigne en psychiatrie sous le nom de  « cas-limites. »  C’est elle qui le frappe. Blériot n’en est pas surpris :

«  il est dit que quoi qu’il accepte de lui concéder, ils ne parviendront jamais à s’installer dans une existence normale, une existence tranquille, sans crise, sans angoisse, sans folie. »(p.264)

Avoir un enfant, c’est la solution pour échapper au cycle infernal de deux générations d’hommes dominés. Blériot pourrait ainsi se projeter sur un enfant élevé normalement.

Malheureusement, Sabine n’en veut pas. « Elle refuse d’avoir un enfant pour des raisons liées à sa propre enfance » (p.49)   Sabine est enceinte. Après L’IVG « La vie commune devient irrespirable » (p.50)

LIRE CE LIVRE :

Lire ce livre c’est savoir si dans une telle situation on peut encore respirer.

Lire ce livre, c’est savoir comment se termine une  interdépendance sadomasochiste ?

Lire ce livre c’est savoir si de nos jours on peut finir comme dans La peau de chagrin ?

Patrick Lapeyre La vie est brève et le désir sans fin

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