« L’arbre au poison », d’Erin Kelly

Critique de le 30 décembre 2011

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (5 votes, moyenne: 4,00 / 5)
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Roman

Blog: Passion-romans

« L’arbre au poison » est un roman psychologique qu’Erin Kelly nous livre en tenant une plume bien acérée, lente et sadique. Je dis lente car l’auteur nous laisse durant plus de 300 pages dans un état de tension permanente, bien maîtrisée, juste ce qu’il faut pour nous faire envie de tourner les pages pour savoir ce qui s’y cache derrière.

Je dis sadique car l’auteur nous fait languir cruellement durant tout ce temps, en ne nous dévoilant presque rien, en nous jetant juste quelques indices qui nous permettent d’imaginer qu’il s’est passé un évènement tragique. Mais nous ne savons jamais quoi! Dans l’art de nous tenir en haleine, Erin Kelly excelle.

Bien acérée, car elle ne laisse aucun répit à nos nerfs qui se tordent à force de vouloir savoir ce que nous réserve la suite. Trois qualificatifs qui résument assez bien cette oeuvre.

Lorsque je dis lent, cela peut également être pris dans un sens négatif. C’est vrai qu’à certains moments, j’aurais voulu que l’intrigue s’accélère, avec la crainte de m’ennuyer. Mais Erin Kelly, contrairement au lecteur, connaît la fin de son roman et sait d’avance à quelle sauce nous allons être mangés! Du coup, tout se justifie et ce rythme devient légitime. Le calme avant la tempête dit-on parfois?

Et finalement, je crois qu’il est impossible de s’ennuyer avec des personnages d’une aussi grande qualité. L’auteur en a fait certainement une priorité, pas possible autrement. Des personnages d’une profondeur extrême, durs à cerner pour certains, intrigants et touchants, voir écoeurants pour d’autres.

Pour continuer dans des notes positives, j’ai apprécié le fait qu’Erin Kelly utilise le présent et le passé pour nous faire avancer dans ce roman. Des retours en arrière qui plongent intensément le lecteur dans cette histoire machiavélique, auprès de personnages que nous pouvons suivre et accompagner. Jusqu’à un dénouement où passé et présent se rejoignent dans une explosion fulgurante. J’irais même jusqu’à dire double explosion.

La narratrice de cette histoire, Karen Clarke, vit à Londres avec sa petite fille Alice dans un petit appartement. Son mari, Rex, vient juste de sortir de prison après dix ans. Une famille qui se recompose, une famille qui va enfin pouvoir commencer à vivre heureuse. Mais ce n’est pas tout à fait ça… Un passé douloureux stagne dans les esprits.

Retour en arrière de dix ans. Karen Clarke est une fille studieuse, brillante, un peu naïve et insouciante qui vit à Londres en colocation avec trois amies. Sa vie va basculer le jour où elle va croiser sur son chemin Biba, jeune fille excentrique et marginale qui vit dans une ambiance « bohème » dans une vieille demeure délabrée, en compagnie de son frère Rex. Deux jeunes orphelins livrés à eux-mêmes. Karen va vouer une fascination sans précédant pour sa nouvelle amie Biba et va gentiment abandonner sa vie tranquille et bien réglée. Le passage va se faire progressivement, puis intensément, jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’un retour en arrière n’est plus possible. En a-t-elle d’ailleurs envie?

Malgré elle, elle va se laisser prendre au jeu – un jeu dangereux – où se mêlent drogues, alcool, fêtes de disjonctés, un univers malsain, nocif et totalement imprévisible. Karen va tomber amoureuse de Rex et poursuivre son engouement pour Biba, personnage énigmatique, ouvert d’esprit et original, personnage que le lecteur va aimer et détester à la fois. Une fille spontanée, impulsive et imprudente que Karen Clarke n’arrivera plus à lâcher.

Ce qu’elle ignore encore, c’est qu’elle va tomber sur une histoire de famille compliquée, dans laquelle elle sera impliquée, malgré elle. Sa nouvelle vie idyllique va rapidement tourner au cauchemar.

Erin Kelly tient le lecteur en haleine sur plus de 300 pages. Nous nous posons pas mal de questions, obligatoirement, étant donné que l’auteur, avec un égoïsme bien maîtrisé, ne nous laisse que très peu d’indices. Pourquoi son mari est-il allé en prison? La narratrice nous parle d’homicides, de secrets lourds à porter et d’une insécurité permanente. Mais le lecteur n’en saura pas plus avant de tourner les dernières pages. Jusqu’où peut-on aller pour protéger un frère ou une soeur?

Erin Kelly, par cette histoire, relève la problématique des adolescents livrés à eux-mêmes, inconscients, croyant par la force des choses qu’ils pourront vivre au jour le jour, à l’aveugle, sans se préoccuper de l’avenir. Un avenir qui finit tôt ou tard par frapper en plein visage. L’auteur met également un accent sur certaines responsabilités qui devraient être gérées avec la plus grande attention. Certains protagonistes en seront conscients, d’autres, comme Biba, peut-être par manque de repères, vont les laisser de côté et ne rien assumer.

Je relève également la qualité de l’ambiance; l’auteur nous promène dans la capitale en nous décrivant cette ville avec précision et adresse, en nous emmenant un peu partout, rues, ruelles, métro, jardins et j’en passe. Appréciable. Une belle visite guidée conduite par Erin Kelly!

Petit bémol à la page 316. Karen Clarke s’est installée à Berne, en Suisse, pour ses études. En tant que Suisse, je ne peux pas m’empêcher de relever le passage suivant:

« Disposant de trois jours pour m’installer dans le studio que Sylvia avait loué pour moi, je déambulai dans les rues, levant les yeux vers ces câbles qui se déployaient et s’évitaient aussi aisément et élégamment dans l’air que cohabitaient dans la ville les langues française, italienne, allemande et romande. »

Je signale à l’auteur, ou alors au traducteur, qu’il y a quatre langues en Suisse, soit le français, l’allemand, l’italien et – très peu utilisé – le romanche. Quant au romand, ce n’est pas une langue. La Romandie représente la région de la Suisse où les habitants parlent le français.

Sinon, je vous souhaite une bonne lecture.

« L’arbre au poison », d’Erin Kelly

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