Ainsi toute la journée , je suis dans un jardin où je m’ occupe d’arbres et de fleurs, où je reste silencieux de bien des façons, pris par quelque pensée de passage, une chanson, la pause d’un nuage qui enlève au dos soleil et poids.
Je m’en vais dans le champ avec un jeune pommier à planter.
Je le pose par terre, je le tourne, je regarde ses branches à peine ébauchées prendre leur place dans l’espace qui les entoure.
Un arbre a besoin de deux choses : de substance sous terre et de beauté extérieure. Ce sont des créatures concrètes mais poussées par une forme d’élégance. La beauté qui leur est nécessaire, c’est du vent, de la lumière, des grillons, des fourmis et une visée d’étoiles vers lesquelles pointer la formule des branches.
Le moteur qui pousse la lymphe vers le haut dans les arbres, c’est la beauté, car seule la beauté dans la nature s’oppose à la gravité.
Sans beauté, l’arbre ne veut pas. C’est pourquoi je m’arrête à un endroit du champ et je lui demande : « Ici, tu veux ? ».
Je n’attends pas de réponse, de signe dans la main qui tient son tronc, mais j’aime dire un mot à l’arbre. Lui sent les bords, les horizons, et cherche l’endroit exact pour pousser.
Un arbre écoute les comètes, les planètes, les amas et les essaims. Il sent les tempêtes sur le soleil et les cigales sur lui avec une attention de veilleur. Un arbre est une alliance entre le proche et le lointain parfait.
S’il vient d’une pépinière et qu’il doit prendre racine dans un sol inconnu, il est confus comme une garçon de la campagne à son premier jour d’usine. Je le promène ainsi avant de creuser son emplacement.
Texte remarquable tiré de :
Trois chevaux de Erri De Luca
Editeur «Du monde entier »2001
Existe en poche
Étiquettes : Arbre, Erri De Luca, Trois chevaux, verger
j’adore les chevaux envoyez moi un email pour me dire si vous aimez
En réponse à « … qui adore les chevaux », je lui propose de déposer ici les textes remarquables qui en parlent, quand j’en trouverai. Alors, à bientôt
Je suis certain que le pommier qui a révélé le mystère de la gravitation universelle à mon camarade Isaac Newton avait été planté par un jardinier aussi consciencieux qu’Erri de Luca.
Certes, Newton en avait neuf cents quatre-vingt un de cette sorte, ce jardinier a dû bien galérer quand même. Nous lui en sommes d’autant plus reconnaissants. D’autre part, le moteur qui pousse la lymphe vers le haut, c’est surtout la capillarité.
Mais la beauté aussi un peu, sans doute. Il faudra étudier ça.