Un bout de chemin avec Coluche, vu par Fred Romano, sa dernière compagne / « Le film pornographique le moins cher du monde »

Critique de le 12 janvier 2013

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (28 votes, moyenne: 4,46 / 5)
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Roman

Ce livre écrit par Fred Romano est une histoire que j’estime peu banale, intense, déjantée et terriblement mouvementée; c’est son histoire, un bout de parcours du moins, une partie de sa vie qu’elle a passé en compagnie de Michel Colucci, plus connu évidemment sous son pseudonymeColuche. Elle a 19 ans, lui presque 40 ans. De 1981 à 1985, Fred Romano partagera la vie de cet homme complexe, meurtri, impulsif, qui donnait tout de sa personne et qui vivait à plus de 200 km/h, comme lorsqu’il se trouvait sur ses bécanes, l’une de ses grandes passions. Tout doit aller vite…

Un homme qui plongeait la tête la première – ou le nez – dans tous les excès, que cela soit des « débordements » dans le positif comme dans le négatif. Bref, un homme qui allait jusqu’au bout des choses, sans aucune mesure. Un révolté, un provocateur de nature, un mec qui semblait tout maîtriser mais qui s’est malheureusement retrouvé le cul parterre.

Persécuté, évidemment. Lorsqu’on dérange et qu’on sème du désordre dans un monde (politique) qui n’en a au fait aucun (d’ordre), c’est rapidement l’oppression, la pression, bref tu te retire ou tu vas subir. L’année 1981 est un grand tournant pour Coluche. Il perd quasiment tout, suite à sa candidature à la présidence de la république; sa femme, ses petits enfants qui s’éloignent par la force des choses; divorce, dépression, déception, persécution, imposition… Il est traqué et harcelé comme un malfrat.

Mais cette année-là, il va tout de même récupérer un ingrédient essentiel et surtout vital dans un registre très important; de l’amour en la personne de Fred Romano. Une âme soeur?
J’en profite pour remercier Fred Romano qui m’en a raconté beaucoup plus sur leur histoire, des propos très intimes, durs, personnels; alors oui, je la remercie pour la confiance qu’elle m’a accordée lors de nos petites discussions.

Pourquoi lire ce livre? C’est la question que je me suis posée avant de l’acquérir. Je me suis demandé ce que cela allait bien pouvoir m’apporter. Finalement, je n’ai pas hésité, car je reconnais avoir voulu en savoir plus sur Coluche, son parcours, sa vie, sa contribution dans le monde politique, peut-être même sur sa face cachée et sombre. Mais une fois le livre achevé, je peux certifier qu’il apporte encore beaucoup plus de choses, à savoir une écriture très recherchée et subtile, des mots qui claquent, des phrases qui véhiculent beaucoup d’émotion, c’est un récit riche et généreux; c’est vivant, c’est franc; Fred Romano sait raconter une histoire.

J’ai effectivement découvert le côté sombre du personnage, mais également – et surtout! – son côté combatif, sa persévérance et sa façon de faire bouger les choses. L’amour fraternel qu’il déploie pour les personnes qui l’entourent est également un bel exemple. Mais bien entendu, toujours à l’excès! Sa maison était d’ailleurs un vrai moulin, un centre de rencontre en tout genre! Je me suis rendu compte que c’était un homme doté de beaucoup de respect, mais qui le demandait évidemment en retour.

L’auteur nous emmène avec elle, nous sommes à ses côtés durant tout le récit; elle nous raconte tout, sans réserve, elle n’épargne personne – même pas elle-même -. Les personnages que nous rencontrons dans cette histoire sont facilement identifiables, FredRomano l’a évidemment voulu ainsi. Son franc-parler, respectivement son écriture franche nous réserve bien des surprises sur certaines personnalités de l’époque, une époque où les excès en tout genre étaient de mise. Pas de demi-mesure, l’auteur déballe tout ce qu’elle a envie de dire, sur qui elle a envie de parler.

Avec Fred Romano comme narratrice, nous entrons très rapidement dans le vif du sujet, dans sa vie intime – leur vie intime – soit auprès de deux êtres qui semblent complètement paumés, se tenant l’un à l’autre comme à une bouée pour éviter de sombrer. Mais cette bouée parait un peu trouée de partout, ce qui a pour conséquence de les emmener vers un avenir incertain, inconnu, une vie au jour le jour. Cheminer à l’aveugle vers un but qui n’existe peut-être pas.

L’auteur nous bouleverse pas mal en nous narrant la vie de deux personnes embarquant chacun leur tristesse respective, leurs emmerdes; la déception et l’incompréhension pour l’un, l’anéantissement et la destruction d’une vie pour l’autre, une vie marquée par la douleur – physique et mentale -, des blessures qu’une femme ne peut supporter, une déchirure, un acte qui a provoqué la mort d’une partie de son âme. J’en suis persuadé. Ces choses là marquent, restent, influencent, donne une direction, un mauvais départ, en tout cas une direction de vie difficile.

Fred Romano, concrètement, revient sur plusieurs points qui ont marqué la vie deColuche, principalement par le biais de conversation entre eux. Sa fameuse candidature lors de l’élection présidentielle en 1981, ses problèmes familiaux, ses déceptions, sesaddictions, mais aussi ses rêves, ses passions, ses voyages.

Cet amoureux des fleurs, de leur langage, attaché à leur symbole, va tenter de redonner confiance à sa jeune compagne, à cette femme qui tire, comme je vous l’ai fait comprendre, un lourd fardeau, un passé qui l’empêche certainement de s’épanouir justement comme une fleur. Mais Fred Romano semble tout de même être une femme forte, en tout cas en apparence. La douleur amène-t-elle à l’endurcissement? Peut-être… Mais une fleur à laquelle on a arraché toutes les pétales peut éventuellement revenir à la vie et s’ouvrir à nouveau pleinement, peut-être. Par contre, lorsqu’on l’arrache de la terre par la racine, même un miracle devient dérisoire. Fred Romano, selon moi, est une fleur qui a eu la racine arrachée. Coluche, bien qu’il soit un grand amoureux des fleurs, ne pourra pas changer ce qui ne peut pas l’être.

Si l’on ne peut pas guérir, on peut toujours tenter de maintenir. Dans le cas présent, cela s’appelle l’amour et Coluche va lui en donner un bon paquet, à sa façon, à la manière d’un artiste, à la manière d’un homme passionné et toujours aussi excessif. Un amour vrai, un amour vache et déganté, mais un amour intense; à 300 km/h, comme les bécanes…

Les voyages qu’ils effectueront ensemble contribueront à maintenir le navire à flot. Je retiens leur voyage à New-York, un périple vertigineux où tout semble possible, même l’impossible. Deux personnes au franc-parler légendaire, ce qui va donner pas mal de voix, quelques points de vue totalement divergeant envoyés dans la gueule; mais après la pluie vient le beau temps, même s’il ne dure pas toujours longtemps, et ils vont vivre une sorte de lune de miel, sous le signe de la magie et du vertige. Un lien que j’ai perçu fort, un lien de sang, un lien pour la vie; leur vie.

Pas mal d’escales aussi sur la terre de coeur de Coluche, le fameux papillon au milieu de la mer des Caraïbes; la Guadeloupe. Basse-Terre. Fred Romano se sentira pleinement dans son élément; l’eau et la mer semble être vital pour cette fille qui ne manquerait pour rien au monde une immersion totale dans ce monde marin. Prendre le large devient évident pour Fred Romano; dans le sens propre comme dans le sens figuré. Ah au fait, Coluche tatouera une sirène sur son corps. Encore un signe…

Il y a aussi la Tunisie, lieu de tournage d’un des films avec Coluche. Le monde du cinéma ne sera pas vraiment son truc à la grande Fred; surtout avec les nombreux cons qui représentent cet art. L’auteur ne nous dira pas de qui elle parle: Jean Y. réalisateur, qui cela peut bien être… ;-). Mais elle sera là, toujours aux côtés de son mec, ou presque toujours, malgré les quelques frictions qu’ils vont endurer, certaines d’ailleurs assez conséquentes. Jalousie, désaccord, excès…. excès et encore excès… Mais l’amour restera toujours l’élément solide de leur vie. L’amour et le cul, important le cul.

Leur incompatibilité d’humeurs passagères ne sera pas le seul élément à contribuer aux fortes tensions de leur relation. Les flics, voulant obtenir des informations politiques sur Coluche, vont lâchement utiliser Fred à un moment de grande détresse mentale et surtout physique. Mensonges, manipulations, persécution, agressivité, prêcher le faux pour obtenir le vrai, ils vont tout tenter pour arriver à leurs fins et ainsi obtenir des informations sur Coluche et un éventuel trafic. Fred, qui avait urgemment besoin d’un médecin pour quelques côtes cassées, ne sera volontairement pas soignée et personne ne l’enverra à l’hôpital; elle en sera même empêchée par les flics qui la retiendront au commissariat. Une info sera égale à l’hosto, sinon rien.

Trahison, haine, violence, compréhension, pardon et enfin – comme sur un rail – l’amour reprend le dessus, comme s’il n’avait au fait jamais disparu.

De la jalousie. J’en ressenti beaucoup de jalousie venant de la part de Colucheconcernant sa compagne. Pas spécialement une jalousie envers la personne – quoi que -, mais surtout envers sa culture. Fred Romano, dans ce récit, fait souvent ressortir son amour pour les livres, la littérature, l’art; c’est tout simplement une dévoreuse de culture, très intéressée par tout ce qui l’entoure. Malgré son air « j’en ai rien à foutre de tout et je vous emmerde », Fred Romano est une femme intelligente, très cultivé, et j’ai le sentiment que cela ne lui plaisait pas trop. Un mec jaloux, c’est sûr. Pas italien pour rien le mec.

Mais l’auteur, en nous narrant ce périple tunisien, nous laisse également l’image d’un homme généreux, simple, qui choisi par-exemple de se mettre à dos le réalisateur pour se tourner vers les « esclaves du cinéma » tunisiens qui sont là pour donner un coup de main. Un homme qui semble absolument détester ce monde fait de chichis et de manières; un gars qui prône la vie de gitans faite de simplicité, sans toutes ces conneries absolument inutiles. Le gitan trouvera d’ailleurs sa caravane sous la forme d’un bateau. Et c’est sur la mer qu’il naviguera avec sa Fred et ses amis. Toujours la mer…

L’auteur nous parle également de sa vie avant Coluche (merde, je parle comme avec Jésus-Christ), une vie qui en traumatiserait plus d’un. Quatre mois de prison ferme en Grèce pour détention et consommation de haschisch, dont deux mois en isolement totale. C’est clair que cela n’aide pas à aimer et accepter tout ce qui représente l’Etat et l’administration. A en devenir allergique, je comprends la miss… Si on additionne cela avec les faits qui se sont déroulés au commissariat suite à son altercation avec Coluche, je comprends tout à fait son état d’esprit envers le système qui est censé la protéger. Mea culpa, Fred, tous ne sont pas comme ça… La preuve…

La grande Fred, cette réincarnation de la petite sirène amoureuse du monde aquatique, prendra définitivement ses quartiers sur l’île de Formentera, terre ressourçante de l’archipel des Baléares, paradis sur terre, paradis sur mer. Prendre le large, se jeter à l’eau, revenir aux sources. Que d’eau! Mais l’eau c’est le sang de la nature; cette fois c’est moi qui le dis!

Une petite pensée pour notre ami Coluche qui était un homme avec ses bons et ses mauvais côtés. Ses bons côtés ont donné beaucoup d’espoir pour les personnes laissées pour compte; Coluche était le défenseur des minorités. Il s’est battu pour ça, il se battrait certainement encore aujourd’hui. Dommage qu’il ne soit plus là pour frapper là où ça fait mal, dans cet antre de faux-cul de politicards. Il était écouté car il faisait peur, il faisait peur car il avait vu juste; mais le juste n’est pas ce que certaines personnes désiraient vraiment. La preuve, sa grande persécution lorsqu’il a voulu mettre son grain de sel d’eau de mer. Finalement, de quoi avait-il peur, le fameux tonton?

Une pensée également pour Fred Romano qui n’a visiblement pas eu une vie de rêve et qui, encore aujourd’hui, se bat comme elle l’a fait toute sa vie; avec acharnement et persévérance. Fred, merci pour ce récit.

« Putain de camion » a chanté Renaud. Là encore, réflexion… Accident?

Bonne lecture.

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