« Parjures », de Gilles Vincent

Critique de le 8 octobre 2012

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (8 votes, moyenne: 3,50 / 5)
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Roman

J’aurais presque envie d’écrire en lettres de sang dans ma chronique: « Omar m’a tuer!« . Après lecture, vous comprendrai pourquoi… 😉

Gilles Vincent nous livre une intrigue comportant de nombreuses ramifications et tout se tient, s’emboîte comme les pièces d’un puzzle. Mais il y a une grande particularité à ce puzzle, l’image qui en résulte change constamment! Je n’ai compté – ou plutôt ressenti – aucun temps mort, ça déménage du début à la fin, sans aucun répit pour reposer nos nerfs tendus au maximum. Même à la fin, lorsque tout semble dit, rien n’est encore entièrement déballé. Plusieurs paramètres sont à l’origine de ce constat.

Tout d’abord les personnages; Gilles Vincent a introduit dans son roman des hommes et des femmes aux traits psychologiquement forts mais surtout dotés d’une âme impressionnante. C’est riche, c’est vivant et nous sommes rapidement pris par ces protagonistes qui évoluent à nos côtés. Gilles Vincent a réussi à atteindre ce résultat d’une manière très rapide mais surtout efficace, en nous bousculant précipitamment dans le vif du sujet, en leurs compagnies, ceci en usant d’une écriture vive, rapide et agressive.

A l’image d’un des personnages principaux, la commissaire Aïcha Sadia, française d’origine kabyle, dont l’auteur n’hésite pas à bien malmener, sans ménagement, ce qui donne encore une épaisseur supplémentaire. Toute l’intrigue va tourner autour de la commissaire, cette femme meurtrie et démolie psychiquement suite à la disparition, il y a plus de six mois, de son ami Sébastien Touraine. Cet homme, un jour, qui a décidé de nager longtemps, atteindre le large pour ne plus vouloir en revenir. Un combat permanent pour Aïcha qui survit temps bien que mal avec ce manque endémique.

Les sujets utilisés dans ce roman font passablement réfléchir, comme l’usage (pas très formelle) de la peine capitale. Ici, nous sommes confrontés à des personnes en mal de justice, des gens visiblement cassés et frustrés par le constat qu’ils ont pu se faire de leur propre justice, celle des hommes, celle qu’ils ont ou qu’ils représentent pourtant. Peut-on livrer sa propre justice? Mais cet aspect n’est pas, à mon sens,  l’élément important du roman.

L’enquête que nous suivons dans cette oeuvre est rapide, trop facile parfois pour être crédible, mais paradoxalement complexe. Gilles Vincent nous prouve brillamment que tout n’est pas forcément acquis, qu’une enquête peut comporter de nombreuses zones d’ombre, même – et surtout – lorsque les éléments semblent logiques, cohérents et indiscutables. Suivre l’enquête actuelle d’Aïcha Sadia démontre qu’une enquête expéditive – même à juste titre pourtant – n’aboutis pas forcément à la vérité. La problématique des fameux témoignages à froid par exemple fera partie de ce constat intéressant! Mais ce que je dis là n’est peut-être pas encore ce qu’il faut vraiment croire! Gilles Vincent nous déroute avec ses fausses pistes et nous creusons de profonds sillons à forces de faire des demi-tours!

Toute l’histoire porte sur un pacte passé entre la commissaire Aïcha Sadia et un détenu fraîchement sorti de prison, ceci suite à une grâce présidentiel. La culpabilité de ce détenu, Abdel Charif, qui purgeait une longue peine pour avoir dépecé, tué et volé sa patronne, n’est plus autant sure; il bénéficiera du doute. « In dubio pro reo« , comme ont dit..
Ce marché proposé par l’ancien détenu Kabyle est simple – en apparence, je vous rassure – la commissaire met tout en oeuvre pour prouver son innocence totale, en échange de quoi il lui donnera des éléments cruciaux pour retrouver son compagnonSébastien Touraine. Pourquoi lui, quel lien? Son copain serait toujours vivant alors qu’elle l’a vu prendre le large pour ne jamais revenir? Quoiqu’il en soit, Abdel Charif réussi à intéresser assez Aïcha Sadia par des arguments plus que convaincants.

Dans cette ambiance maussade, grise et froide, où les bourrasques et la pluie hivernale marseillaise nous frappent le visage en continu, Aïcha Sadia va devoir prendre des décisions difficiles et cruciales pour atteindre son principal but, retrouver son amant et connaître la vérité. C’est avec beaucoup d’émotionnel, mais également avec passablement de professionnalisme et d’aplomb qu’elle va mener cette enquête qui va la conduire, malgré elle, vers un nombre impressionnant de contrevérités.

Gilles Vincent a décidé de faire évoluer cette intrigue à Marseille, ville chaude mais ici le « chaud » est présent que dans l’esprit des gens, un esprit agressif, dur et plein de haine. Très cliché comme ambiance, mais elle a l’avantage d’être constante; à chaque page que nous tournons, nous recevons une salve de froid dans la tronche, un coup de tonnerre sur la tête et une pluie torrentielle contre le visage.

Gilles Vincent nous donne du fil à retordre avec ces personnages instables, envers lesquels nous ne pouvons laisser aucune confiance; des personnages qui évoluent au fil de l’intrigue dont le vrai visage apparaît lentement comme la révélation d’une image Polaroïd. Les revirements de situations sont nombreuse et l’auteur nous démonte l’esprit presque jusqu’à la dernière page; révélations sur révélations, une fin à la Agatha Christieoù la vérité nous arrive enfin et de plein fouet. Tout ceci, bien entendu, avec la pluie qui frappe contre les vitres et le vent qui s’engouffre partout où il peut.

Derrière un parjure peut se cacher de bonnes intentions comme des volontés malsaines et perverses. Bonne lecture. 

« Parjures », de Gilles Vincent

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