Michel Houellebecq La carte et le territoire

Critique de le 16 septembre 2010

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (314 votes, moyenne: 4,08 / 5)
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Roman

   Fiction menée avec la conviction artistique héritée de William Morris : tout homme, à son niveau, est producteur de beauté. 

 Ainsi Jed, l’artiste-héros de M.H., produit de la beauté dans ses œuvres. Comment ? En fantasmant sur des réalités comme son  chauffe-eau en panne, ou sur des produits de terroir. Retour du réel dans la fiction française.

 Pages nimbées de nostalgie envers William Morris pour qui  tout homme avait le droit dans sa vie quotidienne, d’être entouré de beaux objets. « Il alliait cette conviction à un activisme socialiste qui l’a conduit, de plus en plus, à s’engager dans des mouvements d’émancipation du prolétariat ; il voulait simplement mettre fin au système de production industrielle. » (p.227)

Les notices des objets sont longuement reproduites avec beaucoup d’auto-dérision . On se marre devant la minutieuse note technique du chauffe-eau de Jed !

 M.H. suit une voie annoncée en1994 avec son Extension du domaine de la lutte. Il y traitait du désarroi de l’homme face à la violence sociale. La même année, Virginie Despentes et Vincent Ravallec publiaient Baise-moi et Cantique de la racaille dépassant amplement la vieille critique portée par le nouveau roman sur la forme narrative traditionnelle. Depuis on a même vu Emmanuel Carrère se targuer d’une absence absolue d’invention dans D’autres vies que la mienne .Cette année Régis Jauffret avec Sévère et Antony Palou avec Fruits et Légumes sont dans la même veine que Houellebecq.  

  

Pensée Houellebecquienne sur l’existence, le vieillissement et la mort.

  Pensée développée à travers des histoires d’hommes et des voix de femmes.  Jed Martin et son papa,  Houellebecq et le commissaire qui mène l’enquête.

 Voix d’Olga, réalité sensorielle retrouvée : « La voix des gens ne change jamais, pas davantage que l’expression de leur regard. Au milieu de l’effondrement physique généralisé à quoi se résume la vieillesse, la voix et le regard apportent le témoignage douloureusement irrécupérable de la persistance du caractère, des aspirations, des désirs, de tout ce qui constitue une personnalité humaine. » (p.232)

Quand Houellebecq et son chien sont déchiquetés au laser,  le commissaire est glacé d’effroi.. Seule la tête du chien et celle de l’écrivain restent intactes.

Osons penser que Houellebecq a eu l’idée de la fiction de sa propre mort grâce à l’exposition Crime et Châtiment du Grand Palais. Il peut ainsi se survivre en se glissant dans la peau de Jed et acquérir enfin cette familiarité de la vie qui lui manque. A-t-il fantasmé devant la Salomé de Gustave Moreau ? A-t-il vu des insectes lubriques dévorer ce corps de danseuse orientale. Compare-t-il sa tête décapitée à celle de Jean-Baptiste ? On peut trouver dans le livre des réponses à ces questions. Reste à savoir pourquoi Houellebecq ne nous laisse pas pleurer devant son corps acéphale. Mais pourquoi donc fallait-il le donner à un chirurgien fou, maniaque du découpage au laser ? Peut-être le souci de se démarquer d’Oscar Wilde ! pas poétique comme décollation !

En vérité la mort préoccupe au point de rechercher des dispositifs d’acceptation  extravagants où elle est présentée comme hideuse. Jed est fasciné par les coutumes d’exhumation autrefois pratiquées à Madagascar. Des amateurs de bonne chère qui, après avoir déterré leur cadavre,  bouffent devant lui et le remettent dans son trou avant de recommencer la cérémonie de semaine en semaine. Voilà « un dispositif d’acceptation de la mort » (p.56) autrement plus intéressant qu’en occident.

  Projection vers une France idyllique. 

 Projection loin en avant : dans les années 2030,  Jed sort de sa recluserie rurale  et découvre une France transformée. Notre pays est devenu la destination préférée du tourisme sexuel. Alors il décide de « rendre compte du monde » (p.420), d’une France idyllique «  La France, sur le plan économique se portait bien. Devenue un pays surtout agricole et touristique, elle avait montré une robustesse remarquable lors des différentes crises qui s’étaient succédé. » (p.415) Eclat de rire étouffé de Houellebecq.

Jed pendant  trente dernières années de sa vie peint des guerriers barbus à queue de cheval, chevauchant des Harley-Davidson. Souvent les toiles dévoilent « un imaginaire érotique typiquement masculin à base de salopes goulues, aux lèvres avides, se déplaçant généralement par deux » (p.418)

 Sexualité angoissée et dérisoire.  

La Sexualité est traitée tout au long du livre dans un vécu d’angoisse et de dérision.

 Encore et toujours les bordels thaïlandais où « les prestations restent excellentes ou très bonnes » (p. 250). L’artiste perd sa virginité avec une  occasionnelle. Il vit à ses crochets, sans jamais se sentir dans « la peau d’un maquereau » (p.57) Olga, la femme aimée et retrouvée après dix ans d’absence n’est plus pour lui qu’une belle fleur qui commence à faner. Quarante deux ans déjà, ça l’inquiète « La dégradation allait commencer à s’accélérer… La sexualité est une chose fragile, il est difficile d’y entrer, si facile d’en sortir » » (p.249-250)  Il sort de chez elle avant son réveil.

 Dérision encore avec ce commissaire motivé par l’enquête au motif de son amour pour les chiens. N’est-il pas d’ailleurs obsédé par les testicules de son bichon dont le vétérinaire craint qu’il ne soit stérile ?

 Une construction savante et passionnante. 

Comme dans les grands magasins on peut trouver tout ce que l’on aime. Surtout le cynisme et le sarcasme, mais aussi une mélancolie évoquant Huysmans dans A Rebours, de la romance avec le cœur d’artichaut de Jef, du polar avec l’énigme des corps d’homme et de chien en lambeaux, de l’émotion avec l’amour de Jef pour son père. 

Michel Houellebecq La carte et le territoire

5 commentaires pour “Michel Houellebecq La carte et le territoire”

  1. avatar Valentini dit :

    Comment se faire appeler Arthur?
    La sagesse est la sottise très-élevée d’une minorité qui s’adresse, pour du beurre, à une immense majorité et même s’en félicite, généralement sous forme d’auto-citations, pour la plupart empruntées, qu’elle nomme des « aphorismes ». Il y a bien une vie heureuse, qui demeure raide et immobile. Comme un lot de consolation, en échange de ces fuites calculées. La terre, en effet, étant peuplée d’imbéciles, quelques-uns au moins sont heureux. Mais tous ne sont pas férus de démonologie bonne et méfiants à l’endroit de Desdémone, non! Cet endroit, dit-on, soit dit en passant, met le monde à l’envers, pire même, le satellise. Mais nombreux sont ceux, parmi ces quelques-uns, qui ont, sur le sujet, le même avis que la masse sus-citée, pensant que la chose n’est pas si terrible, au fond! Car, parmi ces quelques-uns, peu sont de langue allemande. Et peut-être seulement un de ces peu, après 45, a considéré qu’il était heureux qu’il fut philosophe. J’en vois plusieurs et d’avantage qui restent de marbre. La beauté particulière, qui est la leur et seulement la leur, ne doit rien à l’arraisonnement de la nature par le botox. Reste une question: être heureux d’avoir réussi sa vie empêche-t-il d’avoir le sens de l’humour? N’étant pas philosophe, je laisse cette question en suspens et au-dessus de qui veut s’interroger sur le sens du bonheur.

  2. avatar Meiji dit :

    « Il s’agit d’un roman moyen, gris, terne, sans véritable ligne directrice, et il faut bien le dire, on s’ennuie donc souvent à la lecture de ces 440 pages, à aucun moment relevées par la vision distanciée, cruelle et drôle à laquelle Houellebecq nous a habitué dans ces précédentes productions. On a comme la désagréable impression qu’il a écrit tout ça en pilotage automatique, offrant ainsi une version délavée de son écriture… »

    Vu dans la revue d’auteurs indépendants, Ici.
    http://actilib.com/ebooks/details/291/14/culture-et-soci%C3%A9t%C3%A9/fran%C3%A7ais/art/num%C3%A9ro-0-d%27ici,-la-revue-d%27auteurs-ind%C3%A9pendants.html

  3. avatar Gustave dit :

    Authentique escroquerie littéraire, Houellebecq, bulle gonflée par les medias, a fait son fonds de commerce du sexisme, du racisme (il le déguise courageusement en le faisant endosser par ses personnages, mais c’est transparent), et de la provocation médiocre.
    Il faut rappeler ses déclarations (interview dans la revue « Lire »): « La prostitution, je trouve ça très bien. Ce n’est pas si mal payé, comme métier…  »
    Et aussi, encore plus ignoble peut-être « Bien sûr qu’il y a des victimes dans les conflits du tiers monde, mais ce sont elles qui les provoquent. Si ça les amuse de s’étriper, ces pauvres cons, qu’on les laisse s’étriper. »

    Ce livre, dont le titre a d’ailleurs été volé à un écrivain très peu connu (Michel Levy) est une autre cargaison de sa marchandise habituelle : considérations éculées de café du commerce sur les femmes (la Slave est sublime, la binoclarde est moche.. et tout à l’avenant), « name dropping » (citer à longueur de page des noms de présentateurs télés et autres « people », qui cela intéresse-t-il ?) et pseudo-nihilisme du bobo largement enrichi (au point de s’installer en Irlande pour ne pas payer ses impôts).

    Ah oui, il a trouvé aussi très fin de se mettre en scène lui-même sous son propre nom (quel ego) et de raconter son propre enterrement. Quel inspiration inouïe… Et les « critiques » de trouver cela génial bien sûr, tout comme la vague intrigue policière de la fin, totalement plaquée sur le récit, et qui se résout, devinez comment ? Eh oui, l’assassin, c’est celui qui a tué, un type qu’on ne connaissait pas au début, mais oui, la police l’arrête. Hou le vilain.

    Bref, passez votre chemin, ce genre de livre ne vaut pas le prix qu’on le paie.
    Heureusement, il y a de bons auteurs contemporains, mais il faut évidemment chercher plus loin que les têtes de gondole des hypermarchés.

  4. avatar Gregoire dit :

    Quand va-t-on enfin ranger dans l’oubli de l’histoire ces pseudo écrivains médiatico-mal-embouchés, que flattent les media et le cercle consanguins de « ceux qui font l’opinion » littéraire.. ?

    Bientôt, on l’espère.

    A lire objectivement ce type de livre, les phrases sont mal construites, avec des répétitions, des impropriétés, le vocabulaire banal, les personnages artificiels et tape-à-l’oeil, et la construction générale n’a pas grand sens : un tâcheron de le la photographie technique devient un « artiste » creux à la mode d’aujourd’hui, et alors qu’il vient de faire le portrait d’un auteur à la mode, celui-ci est tué.

    On n’arrive aucunement à s’intéresser à ces stupidités, mal racontées et sans saveur.

    Inutile et même nuisible.

  5. avatar Litteratulle dit :

    Qu’il ferme son « becq » ! C’est un petit malin arriviste qui a su embobiner quelques critiques, la provocation et le snobisme ont fait le reste… à réléguer dans l’oubli.

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