« Les saisons mortes », Iris

Critique de le 16 novembre 2018

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (20 votes, moyenne: 4,80 / 5)
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Littérature Psychologie Roman

« Vivre dans la peau de celui qui n’a jamais vécu / Et exister dans un monde qui n’a jamais existé. » (P. 7)                    

Du désespoir naissait l’empathie, de l’empathie une douleur couleur de la pitié à l’égard de son pays renversé sur sa carapace et de la nature violée dans son intimité. Le verbe d’Iris (nom de plume de Mohand-Lyazid Chibout) cousu de soins attentifs, acquiesçait en révélant sa sensibilité, cette alerte qui émouvait et avertissait en s’affichant dans son ensemble tel qu’il était inspiré, évoqué et invoqué. Coincé entre deux âges, le corps et l’âme séparés, son personnage principal, Ilès, dans sa dualité, n’évoluait que physiquement. Qu’il veille dans le noir sous les étoiles de son univers, ou se lève tôt en restant fidèle aux aurores et murmures qui perçaient de ses horizons, il se laissait entourer du positif l’émerveillant de l’intérieur, parfois dans l’harmonie, parfois dans le conflit. De l’introversion personnelle à l’extraversion verbale mêlant chagrin et bonheur, amour et espoir, et la liberté d’être soi retrouvée, les hésitations chassées, il part à la conquête du tangible et du concret voilés par ses brouillards épais. Des éventualités qui lui permettaient de s’évader dans des refuges auxiliaires en étant aux côtés de ceux à qui on a effacé l’identité, des plus démunis et des oubliés de la société, et aussi de ses semblables perdus dans des mers, entraînés par les courants de la mort, les regards sombrant dans l’irréel et les flottements guidés par le doute et le hasard.

La pérennité de sa résistance face aux usures et les souffles contraires l’enseigne et l’éduque en lui apprenant objectivement que la République, la laïcité et la démocratie vont ensemble, que les politiques se mirent dans leurs mensonges, et l’élévation d’une nation ne réside point dans la focalisation aveugle et obstinée sur une religion, cette maladie dangereuse et contagieuse que nourrit le ferment du fanatisme et que soignent la bonne éducation et autres mœurs. Se reconnaissant dans la résignation du roseau sachant s’incliner aux vents sans se briser, soutenu par ses propres conceptions positives, son espérance et sa patience, le cheminement certain, la concrétisation se dévoilait et s’annonçait en affichant la couleur de sa philosophie sur la vie et l’existence. De cette trajectoire visualisée jusqu’aux projections imagées associant le virtuel au réel, en passant par les mailles de la clairvoyance et du mûrissement, le voici en phase avec son époque, le courage comme arme de défense et une volonté de fer comme certitude.

Les pérégrinations tantôt accomplies, tantôt inabouties auxquelles il se livrait, brouillaient ses schémas mentaux, et en souhaitant devenir maître de son destin, le voici dépendant de ce qui le dépassait : la vie, ses aléas, ses canevas… Le déclin. La transition était finalement un basculement sans conséquence d’une réalité dans une autre réalité. L’ombre sous ses pas grandissait, et lui, il apprenait curieusement des habitudes instinctives de son fidèle reflet, errant et interrogateur, troublant et envahissant. L’amour rencontré sur son chemin à Paris était pour lui cette lumière du jour ayant succédé aux ténèbres de ses nuits. En s’ouvrant à sa chaleur, et elle à ses clameurs, ils se décoraient et se dévoraient mutuellement en exposant leurs couleurs, parfois disparates, parfois harmonieuses : elle à se projeter dans une vie parentale, lui à se limiter à leur vie conjugale. Complices et patients, la confiance entretenue dans l’entente comme celle conçue dans le silence et le sérieux des fourmis, Jenny et Ilès se complétaient, se fusionnaient et s’aimaient, les yeux fermés sur le passé et ouverts sur l’avenir.

Un roman à découvrir de par sa densité et la diversité des sujets qu’il aborde. La qualité de l’écriture reliée intrinsèquement à sa langue, sa construction, son rythme ou sa porosité avec le champ philosophique, les thématiques sociales évoquées densifient encore le récit sur le plan politique, et aussi sur les thèmes forts de l’exil et du désenchantement. L’ensemble étant lui-même nourri par le travail précis de l’écriture mis en relation avec la forme et la structure du texte, d’une certaine complexité d’ailleurs. Ce qui nous renvoie à une littérature plus consciente de la manière dont elle se donne à lire, assez traditionnelle et humble dans son aspiration au poétique. C’est aussi une écriture de la réflexion, qui se donne à lire autant qu’à penser.

Les saisons mortes, par Iris. Editions Spinelle, oct. 2018. 220 p., 18 €.

Détails sur « Les saisons mortes », Iris

Auteur : Iris

Editeur : Spinelle Editions

Nombre de pages : 220

Format : Roman (Broché 21 x 14,8 x 1,41 cm)

Isbn : 2378270577

Ean : 978-2378270575

« Les saisons mortes », Iris

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Un commentaire pour “« Les saisons mortes », Iris”

  1. avatar Plume de Patrick dit :

    Une écriture étonnante ! La science humaine, les phénomènes sociaux, la cohabitation des hommes, celle des femmes, les facteurs extérieurs et intérieurs qui rentrent en jeu en influant sur le comportement. L’implication de chacun, sa responsabilité, l’Amour, la politique, les aléas de la vie…
    Bravo Iris

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