Pour terminer cette année 2013 en beauté et en cruauté, je vous propose ce roman de Barbara Abel. Après « Derrière la haine », elle nous emmène dans ce second volet qui ne risque pas de vous décevoir, à condition bien entendu qu’elle puisse garder la même plume, la même intensité, soit la même maîtrise du suspense que dans son précédent roman! Je vous rassure déjà maintenant, c’est bien le cas! Et bravo, car une suite n’est pas toujours facile à réaliser…
Pour rappelle, voici un peu ce que vous retrouvez dans son précédent roman, « Derrière la haine ».
C’est une suite, oui, mais je vous rassure – je rassure souvent il me semble… -, vous pouvez le lire sans problème. Je précise que c’est tout de même plus sympa de lire le premier d’abord, rien que pour la psychologie des personnages que vous retrouvez ici; enfin en partie… Mais l’auteur fait en sorte que le lecteur ne soit pas du tout perdu, ceci en plaçant d’une manière habile et légère, petit à petit, des explications sur ce que nous devons savoir pour suivre et apprécier cette oeuvre tragique, pénible (dans le sens douloureuse) et amère.
Je constate que Barbara Abel a su garder cette capacité à décrire le vie des gens simplement, soit de nous placer face à des personnes qui représentent le commun des mortels, des familles tout à fait « normales », ce qui nous pousse et nous force, évidemment, à nous identifier à elles. Pour moi, c’est immanquablement la marque d’un excellent thriller; s’identifier aux protagonistes qui, on le sait dès le départ, vont passer un sale quart d’heure! Cette tension, cet atmosphère assez bien chargé en courant moyen à fort, est présent dès les premières pages; un peu en sourdine d’abord, un courant faible qui grésille constamment près de notre oreille, prêt à donner toute son intensité et sa force ensuite.
Pour établir une petite métaphore, je comparerais la plume de l’auteur à une solide mâchoire de crocodile, vous savez, immergé juste au fil d’une eau stagnante, calme, trop calme peut-être, prête à réagir; et les yeux, le regard de cet animal, seraient évidemment ceux de l’auteur, discrets, immobiles, guettant sa proie – le lecteur – avec vigilance, pour pouvoir donner le signal au moment opportun pour ainsi le happer, le harponner et le déchiqueter lorsqu’il s’y attend le moins!
Ce que l’auteur réalise aussi très bien – et c’est important! -, c’est de décrire des situations familiales d’une manière très claire, très vraie, et psychologiquement très juste (à mon sens), très forte et pertinente, car – encore une fois – très vraie… On pourrait presque imaginer qu’en dehors de l’écriture, Barbara Abel s’adonne à l’art de la psychothérapie! J’exagère à peine… Et cet atout, car cela en est bien un, elle l’utilise à très bon escient, et ceci au dépend de notre tension nerveuse!
Voici un peu ce que le lecteur va découvrir dans cette histoire. Et pour une histoire belge, elle n’est pas vraiment drôle! Ensuite, je reviens sur un ou deux détails.
Nous nous retrouvons entre les numéros 26 et 28 de la rue Edmond-Petit, deux maisons mitoyennes. Et par la même occasion, nous retrouvons Tiphaine Geniot, son mari Sylvain et leur fils Milo, ado âgé de 15 ans. En fait, ce n’est pas vraiment leur fils (celles et ceux qui connaissent la famille comprendront), ils sont devenus les tuteurs de cet enfant huit années auparavant, suite à de graves problèmes de …. voisinage, si j’ose me permettre d’utiliser cette forme terriblement réductrice. Un drame, un enchaînement de drames plutôt, des évènements insurmontables qu’il vaut mieux taire pour ne pas devenir fous; la douleur est omniprésente, et ne disparaitra jamais.
Tiphaine et son mari ont endossé ce rôle parental, peut-être par excès de remord, de culpabilité, ou même peut-être pour se punir; mais il se peut aussi que se soit tout à fait autre chose! Je vais rester vague à ce sujet. Milo était le fils de leurs voisins, leurs meilleurs amis, qui habitaient de l’autre côté de la haie. Ceci avant ce fameux drame. La mort a frappé un jour à leur porte et a laissé définitivement sa faux à proximité.
Aujourd’hui, huit ans après, de nouveaux voisins emménagent. Nouveau voisins qui se matérialisent sous la forme d’une femme séparée de son mari, Nora, 44 ans, belle nana typée de l’Afrique du Nord, ainsi que ses deux enfants, Inès, charmante ado de 13 ans et son frère Nassim, âgé de 8 ans.
L’apparition de cette nouvelle famille va faire ressurgir pour les Geniot un passé non pas oublié, bien sûr, mais qui était plutôt mal rangé dans un tiroir bien trop plein qu’on tente de garder fermé en poussant constamment dessus. Lorsque l’on vit focalisé sur un passé douloureux et insurmontable, sans jamais en sortir vraiment, et que l’on aperçoit dans le futur que des bribes de ce passé, il est impossible, je crois, de s’en sortir. Les nouveaux évènements qui se produisent dans cette histoire de fous ne vont pas vraiment aider à fermer une brèche qui est déjà bien trop grande.
Un nouvel élément, qui répond au nom d’Alexis Renard, avocat et mari de Nora (la nouvelle voisine de Tiphaine, Sylvain et Milo), homme impitoyable, jaloux, mauvais et surtout possessif, va créer un vent violent de panique sur ce petit monde de la rue Edmond-Petit. Ce brillant avocat très intuitif va mettre son nez dans un passé qui n’est pas si bien enterré et dénicher des éléments plutôt embarrassants.
Barbara Abel a encore une qualité remarquable – encore! – que je dois relever. C’est sa manière de faire ressortir l’âme de ses personnages, leur psychologie! Pour donner un exemple, Tiphaine Geniot est une femme qui me fascine énormément. Cet être ambigu à donner la chair de poule est tout un paradoxe en elle-même! Personnage tout en douceur, tout en douleur, totalement déchiré, sans ressource en apparence, mais finalement empli de haine – dangereuse! -, nous laisse un trouble sentiment, mitigé; bref, on est un peu perdu face à cette femme totalement déstabilisante, déstabilisée et perdue.
Tiphaine n’est juste qu’un exemple, tout de même le plus parlant pour moi, mais ne négligeons surtout pas les autres personnages qui ont tous quelque chose à nous dire, à nous apporter, frissons compris.
L’ambigüité de la situation, qui se transforme rapidement en d’autres situations qui s’enchevêtrent encore une fois sur elles-mêmes pour en devenir un méli-mélo totalement anarchique infesté de confusion nous laisse vraiment dans un état de malaise total. Ce mélange malsain et venimeux va nous conduire vers un dénouement qui, encore une fois, nous donnera envie de baisser les yeux, détourner le regard, et passer à côté sans nous retourner. Vous l’aurez compris, l’auteur n’a pas vraiment tenu à nous ménager en nous faisant exploser un « Happy end » au visage!
Et après la fin, à votre avis, il y a quoi?
Bonne lecture et bonne fête de fin d’année!
« Après la fin », de Barbara Abel