« Autobiographie d’une Courgette », de Gilles Paris

Critique de le 10 juin 2013

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (26 votes, moyenne: 4,42 / 5)
Loading...
Jeunesse Questions ouvertes, réflexions Roman

Je vais sortir de l’univers des polars, des romans noirs ou des thrillers pour vous parler d’une histoire relativement émouvante, parfois (souvent) drôle, souvent (parfois) poignante, mais toujours remplie d’espoir. Garder espoir dans les moments les plus durs de la vie, ne pas juger et voir le positif sont à mon sens des éléments qui constituent le fil rouge de ce roman.

Et c’est tout à fait normal – cela coule de source même – car le narrateur de notre histoire est un enfant de 9 ans, prénommé Icare, surnommé « Courgette » par sa mère indigne; et garder espoir, voir le positif pour un enfant de cet âge, sont des sentiments de défense tout à fait naturels, j’imagine. Un réflexe psychologique?

Gilles Paris endosse le rôle du personnage, Icare, et nous raconte son parcours. Nous sommes dès lors à l’échelle du petit garçon et nous traversons une partie de son existence à travers son regard, ses paroles, ses pensées, en partageant ses émotions et ses propres ressentis.

« Courgette »… Son père, comme sa mère lui a raconté un jour, s’est tiré avec une poule (il pense qu’il s’agit de l’une des poules du voisin, et ne comprends pas pourquoi son père est parti avec un tel animal…) et sa mère, alcoolique, reste scotché du matin au soir devant la télévision, ivre morte. Lorsqu’elle se détache parfois de son écran, c’est pour mettre des beignes à son petit. Courgette, battu et livré à lui-même, décide un jour de tuer le ciel. Pour lui, il n’y a pas de doute, il est responsable de cette situation.

Trouvant un revolver sous un tas d’habits dans la chambre de sa mère, il exécute ce qu’il a décidé de faire et tire plusieurs fois dans le ciel, depuis le jardin. La dernière balle sera destinée à sa mère, accidentellement, alors qu’elle tentait de lui retirer l’arme des mains, en le mordant. Elle meurt sur le coup.

Peut-être que cet acte était nécessaire pour tuer le passé? La « nouvelle » vie d’Icare débute à ce moment-là.

Vie au foyer des Fontaines, en compagnie d’autres enfants pour certains orphelins, pour d’autres maltraités ou encore abusés. Triste constat. Mais par ce petit garçon qui nous raconte tout, nous percevons plutôt l’espoir qu’il trouve enfin, un amour qu’il découvre enfin, soit ce que doit vivre un enfant de cet âge; le positif! Et surtout oublier le reste et le mettre de côté, stocké dans un coin de la mémoire… Est-ce cela la résilience?

Entre le petit Simon aux idées très éclairés qui sait toujours tout – ou du moins qui pense toujours tout savoir (peut-être est-ce le cas) -, la petite Béatrice qui a plus souvent son doigt dans le nez qu’ailleurs, éventuellement dans sa bouche après le passage dans le nez, ou encore le gros Jujube qui a toujours mal quelque part, sûrement beaucoup dans son coeur où il est difficile de mettre un simple pansement comme il en met sans arrêt à son doigt pour soigner tous ses maux imaginaires, « Courgette » va apprendre à vivre enfin avec les autres, avec des personnes qui lui réserve de l’attention, même si des fois ce n’est pas la meilleure des bonnes intentions, – mais cela en est quand-même une! -, et il va prendre tout ce qu’il y a de bon pour lui, évidemment.

Il y a aussi la dernière arrivée, Camille. Il ne sait pas trop ce qu’il ressent pour elle, mais il pense à elle tout le temps, même quand elle est là! Camille va jouer un rôle important, comme chaque personne finalement.

Il ne faut pas oublier Raymond, le gendarme qui est intervenu chez lui après l’accident et qui l’a amené au foyer. Raymond sera souvent là pour lui, chaque fois qu’il le peut, et va prendre beaucoup de place dans le petit monde de « Courgette ». Est-ce là le rôle d’un flic? Peu importe le rôle ici, c’est le coeur qui parle, pas la fonction.

Un des grands attraits de ce roman est le langage utilisé pour narrer cette histoire. Se mettre au niveau de l’enfant, prendre son rôle et raconter par ses mots, c’est extrêmement vrai et spontané! Nous vivons cet enfant qui, avec ses mots, ses tournures, semble tout comprendre – à son niveau – mais qui au fond ne comprends pas grand chose; mais ce qui est certain, ce qu’il ressent au fond de lui, dans son coeur, est tout à fait compréhensible pour lui et est tout ce qu’il y a de plus vrai. Comprendre sans juger, comprendre avec les émotions, comprendre comme un enfant peut le faire.

Gilles Paris semble se placer avec beaucoup de facilité dans la peau de cet enfant et, je pense, même avec beaucoup de plaisir, ou plutôt de satisfaction. La preuve, dans ses autres romans, il donne également la parole aux enfants de cet âge. Il faut reconnaître qu’il le fait très bien et avec énormément d’émotions et de sensibilité. L’auteur le dit lui-même, cette écriture lui colle à la peau. Et j’avoue que cela se ressent pleinement dans la lecture! A présent, comment a-t-il fait pour s’enfouir aussi bien dans le personnage qui est cet enfant… Mystère.

A mon sens, ce livre est destiné à toutes et à tous, c’est un grand apprentissage de la vie et surtout un bon bol d’air qui laisse échapper beaucoup d’espoir et de positivité! Ce roman est dur par les évènements, mais de la manière qu’il est raconté, il y a une sorte de légèreté qui prend le dessus, une « dédramatisation » qui nous semble au bout d’un moment évidente. Vues depuis la hauteur d’un enfant, les situations vécues n’ont pas toutes la même signification, et heureusement.

Je termine cette chronique avec ces quelques mots provenant des pensées de « Courgette » dans le roman:

« Les adultes, des fois, ça dit des trucs stupides à cause de la peur qui leur dévore le coeur. Ils feraient mieux d’écouter le silence. On finirait par croire que les enfants sont super débiles et qu’ils n’ont qu’une envie: se percer la gorge avec une sucette, ou se casser le cou à bicyclette, ou les jambes et les bras en descendant des escaliers, ou avaler de l’eau de Javel parce que ça change du Coca.

Et il faut les regarder, ces adultes, jouer aux grandes personnes et faire plus de bêtises que nous les enfants. C’est vrai qu’on est pas aussi sages que les images qui bougent jamais, mais bon, c’est pas les enfants qui cambriolent les maisons ou font sauter les gens avec des bombes ou tirent avec des carabines, à part moi, mais c’était juste un revolver et j’ai pas fait exprès. Eux, les méchants, c’est toujours exprès, pour faire du mal aux gens et leur voler leurs économies et c’est pas bien. Après les gens dorment sous les ponts et ils attendent d’être aspirés par le ciel pour plus avoir à se soucier de rien. »

Bonne lecture.

« Autobiographie d’une Courgette », de Gilles Paris

Laisser un commentaire