Le Tchékiste. Récit sur Elle et toujours sur Elle

Critique de le 13 septembre 2020

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (Pas encore d'évaluation)
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Essais Histoire Littérature

Même si cet ouvrage est une fiction, Vladimir Zazoubrine analyse parfaitement cette période puisqu’il était à Petrograd en Russie, lors du coup d’Etat Bolchevique (Communiste) du 7 novembre 1917, et qu’il devint d’abord, secrétaire du commissaire de la banque d’Etat, puis, entre autres, écrivain, pendant la Guerre Civile et la Terreur rouge Bolchevique.
Vladimir Zazoubrine fut exécuté le 6 décembre 1938 durant la Grande Terreur Stalinienne.
L’auteur décrit donc précisément les scènes d’horreur, déjà relatées par Sergueï Melgounov La terreur rouge en Russie : (1918-1924) et tant d’autres survivants par la suite…Cette oeuvre écrite en 1923, mais seulement autorisée à la publication en 1990, relate les massacres perpétrés dans les caves et les arrière-cours des innombrables centres d’exécution de la Tchéka.
Cette Tchéka (police politique) fondée par Lénine en décembre 1917 et dirigée par le tortionnaire Félix Dzerjinski, un mois après le putsch Bolchevique (Communiste) de novembre 1917, avait comme principales missions, de : rafler, perquisitionner et arrêter arbitrairement, interroger en usant de moyens ignobles de tortures afin de faire signer de faux aveux, de déporter en camps de concentration ou d’exécuter sommairement…, TOUT opposant réel ou présumé.Dans ce terrifiant récit, sous les ordres de Andréï Sroubov président de la Goubtchéka locale, ces sadiques Tchékistes exécutent « à la chaîne » les « ennemis du peuple », d’une balle dans la nuque, après avoir déshabillé et déshumanisé leurs victimes, pires que des animaux conduit à l’abattoir.Andréï Sroubov est complètement obnubilé par ELLE, la mythique Révolution, il est un bourreau obsédé par la nécessité de traquer sans relâche : des « ennemis de classe » , des « suspects » , des « otages »… à exécuter…, encore et toujours plus !
En effet, Sroubov parle d’ »assainir » LA Révolution.Voici ce que dit le père (médecin) de Sroubov avant d’être exécuté par Ika Katz, l’ami d’enfance de son propre fils Andréï, également devenu Communiste, page 97 : »Ika, transmets à Andréï que je suis mort sans aucune haine à votre égard, à lui et à toi. Je sais que les hommes sont capables d’être aveuglés par une idée au point de perdre le bon sens et de cesser de distinguer le noir du blanc. Le bolchevisme est un phénomène pathologique passager, une crise de rage dans laquelle la majorité du peuple russe est actuellement tombée. »

Puis, plus loin, le père de Sroubov continue en serrant la main de son bourreau Ika, avec une extrême indulgence, page 98 :

« Je te souhaite une rapide guérison. Crois-en un vieux médecin, crois-moi comme lorsque tu étais écolier et que je soignais ta scarlatine, ta maladie, celle de tout le peuple russe, est certainement curable et il viendra un temps où elle s’en ira sans laisser de traces, pour toujours. Pour toujours, parce qu’un organisme qui a traversé une maladie fabrique suffisamment d’anticorps contre elle. Adieu. »

Ensuite, Sroubov relit une de ses monstrueuses pensées qu’il a griffonné sur un morceau de papier, en comparant la Terreur sous la Révolution Française et sous LA Révolution Bolchevique, lors d’interminables rapports sur ses interrogatoires, page 117 :

« En France il y avait la guillotine, les exécutions publiques. Chez nous c’est le sous-sol. L’exécution secrète. Les exécutions publiques entourent la mort d’un criminel, même le plus dangereux, d’une auréole de martyr, de héros. Elles font de la publicité, elles donnent une force morale à l’ennemi. Elles laissent à la famille et aux proches un cadavre, une tombe, les dernières paroles, les dernières volontés, la date exacte du décès. C’est comme si le supplicié n’était pas entièrement détruit.
L’exécution secrète, dans une cave, sans aucun élément de spectacle, sans l’annonce du verdict, la mort soudaine, produit sur les ennemis un effet accablant. C’est une machine énorme, impitoyable, omnisciente qui happe soudain ses victimes et les absorbe dans son hachoir. Après l’exécution, on ignore la date exacte de leur mort, il n’y a ni dernières paroles, ni cadavre, ni même une tombe. Il n’y a que le vide. L’ennemi a été entièrement détruit. »

C’est incroyable ! Dans ce récit, encore un fois, rédigé en 1923, Zazoubrine poursuit la « réflexion » de son personnage Sroubov, de façon tragiquement prémonitoire dans ce que les deux Totalitarismes du 20ème siècle : Communiste et Nazi, produiront comme CRIMES innommables, page 118 :

« Il est indispensable d’organiser la terreur de telle façon que le travail du bourreau, de l’exécutant ne se distingue presque plus de celui du chef théoricien. L’un dit : la terreur est nécessaire, l’autre appuie sur le bouton d’une machine automatique à fusiller. L’essentiel est de ne pas voir le sang.
Dans l’avenir, la société humaine « éclairée » se libérera de ses membres superflus ou criminels avec l’aide de gaz, d’acides, d’électricité, de bactéries mortelles. Alors il n’y aura plus de caves, ni de tchékistes « sanguinaires ». De savants messieurs, l’air docte, immergeront sans aucune crainte des hommes vivants dans des cornues, des ballons géants, et à l’aide de toutes sortes de combinaisons, de réactions, de distillations, ils les transformeront en cirage, en vaseline, en huile de graissage.
Oh, quand des chimistes savants ouvriront leurs laboratoires pour le bien de l’humanité, alors il n’y aura plus besoin de bourreaux, il n’y aura plus ni assassinats ni guerres. Le mot « cruauté » disparaîtra. Il ne restera que des réactions et des expériences chimiques… »

En résumé, pour Sroubov : la notion de Révolution est une chose instinctive, rudimentaire presque primitive, en tout cas : décérébrée et sans foi ni loi, page 130 :

« Il n’y a ni peur, ni cruauté, ni interdit. Tous ces discours sur le moral et l’immoral, l’éthique et l’anti-éthique, ce sont des âneries, des préjugés. Certes, tout ce bric-à-brac est nécessaire aux petites têtes d’épingles. Mais lui, Sroubov, qu’a-t-il à en faire ? Ce qui compte pour lui, c’est empêcher une insurrection des épingles, et peu importe comment, par quels moyens. »

Dans sa préface du livre, Dimitri Savitski cite quelques exemples de télégrammes envoyés par Lénine, ordonnant aux Bolcheviques d’être toujours plus durs, car il préparait en 1918 : la Terreur rouge Bolchevique et la Guerre Civile. Ces télégrammes courts, précis et pleins d’une HAINE viscérale, retranscrivent bien le style du texte employé par Vladimir Zazoubrine dans ce formidable ouvrage.
Voici donc de quelle manière Dimitri Savitski, présente Lénine, page 8 :

« En lisant Zazoubrine, on songe enfin à un troisième auteur, un maître dans le domaine du sarcasme politique et de la haine de classe : Vladimir Lénine. Et surtout à son style télégraphique, tel que Dos Passos ou Hemingway n’auraient même pu en rêver. Pour comprendre tout le réalisme de Zazoubrine, il faut lire quelques télégrammes de cet « homme le plus humain de tous les hommes », comme le qualifie la propagande du parti. »

Maintenant, passons aux télégrammes de Lénine, pages 8 et 9 :

« Au camarade Zinoviev à Petrograd :
Camarade Zinoviev ! Nous venons seulement d’apprendre aujourd’hui, au Comité central, qu’à Petrograd les ouvriers veulent répondre à l’assassinat de Volodarski par une terreur de masse et que vous les en avez empêchés. Je proteste énergiquement ! Faire cela c’est nous compromettre : même dans les résolutions du Soviet nous agitons la menace de la terreur de masse, mais dès qu’il s’agit de passer à l’action, nous freinons l’initiative révolutionnaire, parfaitement juste, des masses. C’est im-pos-si-ble ! Il faut encourager l’énergie et le caractère massif de la terreur. » 26 novembre 1918.

« Au comité exécutif de Penza :
Il est indispensable d’appliquer une terreur de masse sans pitié contre les Koulaks, les popes et les gardes blancs. Enfermer les suspects dans un camp de concentration en dehors de la ville. Télégraphiez exécution. » 9 août 1918.

« Au camarade Fiodorov, président du comité exécutif de Nijni-Novgorod :
A Nijni une insurrection de gardes blancs se prépare manifestement. Il faut mobiliser toutes les forces, appliquer immédiatement la terreur de masse, fusiller et déporter les centaines de prostituées qui soûlent les soldats, les anciens officiers, etc. Pas une minute de retard. » 9 août 1918.

« Au camarade Chliapnikov à Astrakhan :
Mettez toutes vos forces à attraper et fusiller les prévaricateurs et spéculateurs d’Astrakhan. Il faut régler leur compte à cette saleté de façon qu’ils s’en souviennent pour toujours. » 12 décembre 1918.

« Télégramme au camarade Pajkes à Saratov :
Fusillez sans rien demander à personne et sans traînasseries imbéciles. » 22 août 1918.

Précisons que Lénine ne possède malheureusement pas le monopole des télégrammes appelant à la violence et à la haine pendant cette terrible période de :
Guerre Civile, Terreur rouge Bolchevique, « dictature du prolétariat », « lutte des classes » et Communisme de Guerre, entre 1917 et 1923.
En effet, il existe tout autant de formules proclamant la bestialité chez le binôme TERRORISTE de Lénine : Trotski, le Chef de l’Armée Rouge ; sans oublier le sanguinaire Félix Dzerjinski Chef de la Tchéka.

Une oeuvre courte, mais d’une densité impressionnante de monstruosités RELLES et d’une analyse d’une très grande finesse sur : LA Révolution. Pour l’analyse Révolutionnaire, on retrouve un peu le style de George Orwell dans son extraordinaire « fable » : La Ferme des animaux.

Un ouvrage qui va droit au but : brut, sans fioritures, et de plus très bien écrit. Ce texte formidable retranscrit à lui seul, toute l’ignominie crue, sans fards de la réalité du : Bolchevisme / Communisme.

En plus des ignominieuses rhétoriques si chères à Trotski, de : « La fin justifie les moyens » et « Leur Morale et la Nôtre », terminons ce commentaire sur une expression qui résume parfaitement la barbarie engendrée par le fanatisme Révolutionnaire Bolcheviquo-Communiste, page 16 :

« Quand on abat les arbres, les éclats volent » ; autrement dit : « On ne fait d’omelette sans casser des oeufs. »
« D’où le titre russe de l’oeuvre, Chtchepka (l’éclat de bois). »

Confer également d’autres ouvrages aussi passionnants sur le même thème, de :
– Sozerko Malsagov et Nikolaï Kisselev-Gromov Aux origines du Goulag, Récits des îles Solovki : L’île de l’enfer suivi de Les camps de la mort en URSS ;
– Robert Vaucher L’Enfer Bolchevik Ptrograd Sous La Commune Et La Terreur Rouge ;
– Sergueï Melgounov La terreur rouge en Russie : (1918-1924) ;
– David Shub Lenine.

Détails sur Le Tchékiste. Récit sur Elle et toujours sur Elle

Auteur : Vladimir Zazoubrine

Editeur : Christian Bourgois Editeur

Nombre de pages : 155

Isbn : 978-2267008623

Le Tchékiste. Récit sur Elle et toujours sur Elle

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