Goulag. Une histoire

Critique de le 10 septembre 2020

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Histoire

Ce formidable ouvrage de Anne Applebaum est à ma connaissance et à ce jour, le recueil le plus complet sur le Goulag. Nôtre Mémoire Universelle est entretenue par une foultitude d’excellents ouvrages, d’oeuvres cinématographiques, et de lieux de commémoration à propos de l’Histoire du Nazisme et de la monstruosité du Génocide de la Shoah. En revanche, il n’est rien de tel (ou presque) concernant la condamnation des Crimes contre l’Humanité et Génocides du Communisme et par conséquent du régime Communiste lui-même ; contrairement à la condamnation du régime Nazi et des Crimes du Nazisme, lors du Tribunal Militaire International de Nuremberg, en 1945.
Malheureusement, l’ »hémiplégie Mémorielle » ne cesse de perdurer en ce qui concerne le régime Totalitaire Communiste Mondial, et cela depuis bientôt 100 ans, depuis… 1917 !

Le Goulag est l’appellation générale pour nommer l’ensemble des camps de concentration Soviétiques, ou comme le nomme Alexandre Soljenitsyne dans son célèbre ouvrage : « Oeuvres complètes, tome 4 : l’Archipel du goulag, Tome 1 ». Ce terme a même fini par signifié plus que l’ensemble regroupant les camps (pages 11 et 12) :

« Littéralement, le mot GOULAG est un acronyme, qui signifie « Glavnoe Oupravlenie Laguereï », soit Direction générale des camps. Avec le temps, il en est venu à désigner non seulement l’administration des camps, mais aussi le système soviétique de travail forcé dans toute la diversité de ses formes : camps de travail, camps de châtiment, camps criminels et politiques, camps pour enfants, camps de transit. Et même, plus largement, « Goulag » a fini par désigner le système répressif soviétique lui-même, l’ensemble des procédures que les détenus appelaient jadis le « hachoir à viande » : les arrestations, les interrogatoires, le transport dans des fourgons à bestiaux non chauffés, le travail forcé, la destruction des familles, les années d’exil, les morts prématurées et inutiles. »

Certes des brigades de travail forcé existaient déjà en Sibérie sous le règne Autocratique de la dynastie Tsariste des Romanov bien avant 1917, mais dans des proportions et des conditions de détention sans communes mesures avec celles du Goulag Soviétique. D’ailleurs, tragiquement, de tous temps, et dans de très nombreux pays, les gens ont été envoyés en exil, dans des colonies… (confer Le siècle des camps: emprisonnement, détention, extermination, cent ans de mal absolu).
Les premiers camps de concentration modernes furent créés dans la colonie de Cuba en 1895. Pour mettre un terme à des insurrections locales, l’Espagne Impériale déporta des paysans Cubains de leur terre, afin de les « concentrer » dans des camps. De même, en 1900, les Britanniques, dans le cadre de la guerre des Boers en Afrique du Sud, « concentrèrent » également des civils Boers dans des camps, afin de priver les combattants Boers de soutien. Puis, en 1904, les colons Allemands du Sud-Ouest Africain firent accomplir des travaux forcés aux autochtones de la région : la tribu des Herero. Mais c’est sous l’ère Soviétique, durant la mise en place, dès Octobre 1917, du régime Totalitaire Communiste réel, que Lénine et Trotski ont fondé les premiers camps de concentration en tant que SYSTEME d’enfermement généralisé et dans des conditions inhumaines, pour les imaginaires « ennemis du Peuple » (page 12) :

« Dès l’été de 1918, Lénine, le chef de la Révolution, avait déjà exigé que tous les « éléments peu sûrs » fussent enfermés dans des camps de concentration à l’extérieur des grandes villes. Tout un chapelet d’aristocrates, de marchands et autres « ennemis » en puissance furent dûment emprisonnés. En 1921, on dénombrait déjà quatre-vingt-quatre camps dans quarante-trois provinces, le plus souvent destinés à « réhabiliter » ces premiers ennemis de peuple.
A compter de 1929, les camps prirent un autre sens. Cette année-là, Staline décida de recourir au travail forcé afin d’accélérer l’industrialisation de l’Union soviétique et d’extraire les ressources naturelles du Grand Nord, à peine habitable. »

De plus, c’est toujours lors de cette première période de formation du régime Totalitaire Communiste, que les gens ont commencé à être enfermé, non pour ce qu’ils faisaient, mais POUR CE QU’ILS ETAIENT, c’est-à-dire des « ennemis Idéologiques » !
Car il ne faut pas perdre de vue que (même si ce fait Historique fondamental continue d’agacer les Néo-Communistes du 21ème siècle), ce sont pourtant bien Lénine et Trotski qui ont inventé les premiers déshumanisants Kontslaguers (traduction en Russe du terme anglais « concentration camp »), futur Goulag sous Staline. N’oublions pas non plus, que c’est ce même Staline (braqueur de banques pour le compte de Lénine et du Parti Bolchevique bien avant 1917), qui a été nommé en avril 1922, par Lénine lui-même, à la plus haute fonction de l’Etat-Parti-Unique Bolchevique (Communiste), à savoir : Secrétaire Général du Parti Communiste d’Union Soviétique. Par conséquent Staline n’a fait que perpétuer puis généraliser, le système Totalitaire Communiste fondé depuis : le 25 Octobre 1917.

Plus tard, à partir de 1933, le régime Nazi a lui aussi créé ses propres camps de concentration.
Le lien qui relie les deux systèmes concentrationnaires : Communiste et Nazi, est que tous les deux considéraient qu’il existait des catégories d’ »ennemis », de « sous-hommes » (les « ennemis de classe » pour les Communistes et les « ennemis de race » pour les Nazis), à persécuter et/ou à… exterminer en masse !
Dans le régime Totalitaire Nazi, l’ »ennemi » était plus clairement identifié que dans le régime Totalitaire Communiste. Pour les Nazis les « ennemis » étaient principalement : les infirmes, les handicapés, les homosexuels, les Tziganes et surtout…, les Juifs. Une fois l’ »ennemi » identifié puis interné dans un camp (notamment d’extermination), celui-ci était quasiment voué à une mort certaine.
Pour les Communistes, la notion d’ »ennemi » était beaucoup plus floue et beaucoup plus vaste : l’ »ancien peuple », les « ennemis du peuple », les « ennemis de classe », les « contre-révolutionnaires », les prêtres, les « Koulaks » (paysan entrepreneur), les paysans, les « bourgeois », les intellectuels, les instituteurs, les ouvriers grévistes, les Cosaques du Don et du Kouban, etc.. Sous Staline ont été rajoutés d’autres « ennemis » comme : des groupes nationaux et ethniques tels que les Polonais, les Baltes, les Tchétchènes, les Tatars, etc..
Bref, Nazis comme Communistes se fixaient comme mission de traquer leurs « ennemis » respectifs à travers la planète engendrant : Guerres Civiles et mondiale…

Dès le début du Pouvoir Bolchevique, en novembre 1917, des « Tribunaux révolutionnaires » jugèrent arbitrairement des soi-disant « ennemis » pris au hasard, à des peines de prison, aux travaux forcés ou à la peine de mort.
Les prisons furent alors rapidement surchargées d’ »ennemis de classe », comme la grande prison de la Boutyrka à Moscou, pouvant recevoir 1 000 détenus et en enfermant rapidement : 2 500.
Tous les lieux pouvant incarcérer des personnes : caves, greniers, anciennes églises, Palais vides, etc., étaient pleins à craquer. C’est alors que Trotski (le Chef de l’Armée Rouge) trouva une solution (page 63) :

« Une solution fut trouvée dès le 4 juin 1918, lorsque Trotski demanda qu’un groupe de prisonniers de guerre tchèques insoumis fût pacifié, désarmé et placé dans un « kontslaguer » : un camp de concentration. Douze jours plus tard, dans un mémorandum adressé au gouvernement soviétique, Trotski parla de nouveau de camps de concentration, de prisons extérieures où la « bourgeoisie des villages et des villes (…) sera mobilisée et organisée en bataillons arrière pour accomplir des tâches subalternes (nettoyage des casernes, des camps, des rues, creuser des tranchées, etc.). Ceux qui refusent seront mis à l’amende et placés en état d’arrestation jusqu’à ce qu’ils versent l’amende ».
En août, Lénine employa à son tour le mot. Dans un télégramme aux commissaires de Penza, où s’était produit un soulèvement antibolchevique, il prôna la « terreur de masse contre les koulaks (paysans riches), les prêtres et les gardes blancs » ainsi que l’ »internement dans un camp de concentration hors de la ville » des éléments « peu fiables ». Les installations existaient déjà. Dans le courant de l’été 1918 – à la suite du traité de Brest-Litovsk qui mit fin à la participation de la Russie dans la Première Guerre mondiale -, le régime libéra deux millions de prisonniers de guerre. Les camps vides furent aussitôt remis à la Tcheka. »

La Tcheka, contraction de l’intitulé suivant : « Commission extraordinaire pan-russe pour lutter contre la contre-révolution et le sabotage », fondée par Lénine dès novembre 1917 et dirigée par l’infâme Felix Dzerjinski, était la Police Politique de l’Etat-Parti Bolchevique (Communiste), chargée avec l’Armée Rouge, de faire appliquer la politique de Terreur de masse de Lénine.
D’ailleurs, le 5 septembre 1918, Lénine chargea donc Dzerjinski avec sa Tcheka de mettre en oeuvre le décret sur la Terreur Rouge Bolchevique. Suite à la tentative d’assassinat de Lénine, voici comment la « Krasnaïa Gazeta », l’organe de l’Armée Rouge, décrivait la Terreur Rouge (page 65) :

« Sans merci, sans faire de détails, nous allons tuer nos ennemis par centaines. Par milliers, qu’ils se noient dans leur propre sang. Pour le sang de Lénine, (…) que coule à flots le sang de la bourgeoisie – plus de sang, le plus possible (…) ».
« La Terreur rouge joua un rôle crucial dans la lutte de Lénine pour le pouvoir. Les camps de concentration, ou « camps spéciaux », jouèrent à leur tour un rôle crucial dans la Terreur rouge. On en trouve mention dans le tout premier décret sur la Terreur rouge, qui prévoyait non seulement l’arrestation et l’incarcération des « représentants importants de la bourgeoisie, des propriétaires terriens, des industriels, des marchands, des prêtres contre-révolutionnaires et des officiers antisoviétiques », mais aussi leur « isolement dans des camps de concentration ».
Bien qu’on ne possède pas de chiffres fiables sur le nombre des prisonniers, à la fin de 1919 la Russie comptait vingt et un camps déclarés. A la fin de 1920, il y en avait 107, cinq fois plus. »

Les premiers décrets officiels concernant les « camps spéciaux » furent publiés au printemps 1919. Ces décrets stipulaient que chaque capitale régionale devait se doter d’un camp, capable de recevoir pas moins de 300 prisonniers, « à la lisière de la ville ou dans des bâtiments proches du type monastères, domaines, fermes, etc. ».

Lorsque le Pouvoir Bolchevique manquait de main-d’oeuvre pour certains travaux, des rafles étaient alors organisées, comme en octobre 1918, où le commandant du front nord adressa à la commission militaire de Petrograd, une demande de 800 travailleurs destinés à aménager des routes et creuser des tranchées (page 69) :

« (…) le soviet local cerna purement et simplement une partie de la perspective Nevski, la principale artère commerçante de Petrograd, arrêta tous ceux qui n’avaient pas la carte du Parti ou un certificat prouvant qu’ils travaillaient pour une institution gouvernementale et les conduisit jusqu’à une caserne voisine. Si les femmes furent ensuite libérées, les hommes furent expédiés dans le Nord : « Pas un seul des hommes ainsi étrangement mobilisés ne fut autorisé à régler ses affaires familiales, à dire au revoir à ses parents ni à se procurer des vêtements ou des souliers convenables ». »

A cette époque Trotski parlait de transformer le pays tout entier, en une « armée de travailleurs », sur le modèle de son Armée Rouge !

Certains camps de concentration avaient des réputations effroyables, notamment ceux situés près de la ville d’Arkhangelsk, comme les anciens monastères de Petrominsk et de Kholmogori près de la mer Blanche (confer : « Aux origines du Goulag, Récits des îles Solovki : L’île de l’enfer suivi de Les camps de la mort en URSS »), transformés en camps de concentration par les Bolcheviques (page 76) :

« En avril 1921, un groupe de détenus de Petrominsk refusa de travailler et exigea des rations alimentaires plus copieuses. Exaspérées par cette insubordination, les autorités régionales d’Arkhangelsk ordonnèrent la condamnation à mort des 540 prisonniers. Tous furent dûment exécutés ».

Tous ces camps étant trop disparates, difficilement contrôlables et saturés de prisonniers. L’idée vint alors au Pouvoir Totalitaire Communiste de transformer l’Archipel des îles Solovetski, en un gigantesque camp de concentration.
Cet immense Archipel des Solovetski fut le premier plus grand camp de concentration de l’ »Archipel de Goulag ». Cet Archipel est composé d’une foultitude d’îles, et sur l’île principale, il existe toujours aujourd’hui l’ancien monastère (nommé le Kremlin), réhabilité dans sa fonction religieuse d’origine, mais qui avait été transformé en un immense camp de concentration, en 1923.
Les trois camps de Petrominsk, Kholmogori et des Solovetski furent alors baptisés « camps à destination spéciale » ou « camps du Nord à destination spéciale » : « Severnye lagueria osso-bogo naznatchenia », ou en abrégé : SLON.
A partir de juin 1923, le camp de l’Archipel des Solovetski reçut les prisonniers des camps de Petrominsk, Kholmogori, de la prison de la Boutyrka et des autres prisons de Moscou et de Petrograd.
Nombres de prisonniers qui n’avaient pas été exécutés, après avoir été interrogés et torturés dans les caves de la Loubianka (siège social de la Tcheka à Moscou), étaient envoyés au camp des Solovetski.
En 1925, on comptait 6 000 prisonniers au camp de concentration des îles Solovetski.
L’Archipel était composé de neuf camps sur les différentes îles des Solovetski. Comme l’île d’Anzer sur laquelle étaient enfermés : des invalides, des femmes avec leurs bébés, des anciens moines…
Les conditions d’hygiènes étaient désastreuses et l’épuisement, la mauvaise nourriture, les maladies, les épidémies (principalement le typhus), décimaient les prisonniers (page 87) :

« Sur les 6 000 détenus du SLON en 1925, un quart environ moururent dans le courant de l’hiver 1925-1926, des suites d’une épidémie particulièrement virulente. Suivant certains calculs, les chiffres restèrent à ce niveau : entre un quart et la moitié des prisonniers mouraient sans doute chaque année du typhus, de la faim ou d’autres épidémies. Un document rapporte 25 552 cas de typhus dans les camps du SLON (alors bien plus importants) au cours de l’hiver 1929-1930 ».
En plus de toute cette horreur, les prisonniers subissaient les différentes sortes de sadisme : viols, tortures et exécutions sommaires.

Puis, le Goulag n’a cessé de se développer dans les années 1930, pendant la Seconde Guerre Mondiale et jusqu’à la mort de Staline, le 5 mars 1953. La persécution des citoyens en U.R.S.S. était devenue tellement généralisée, que les prisonniers du Goulag décrivaient ce vaste pays de la manière suivante (page 33) :

« Même dans l’argot des camps, le monde extérieur aux barbelés n’était pas désigné comme la liberté, mais comme le « bolchaïa zona », la « grande zone carcérale », plus grande et moins mortelle que la « petite zone » du camp, mais pas plus humaine et certainement pas plus clémente. »

Au début des années 1930, l’Archipel des Solovetski servit également de « laboratoire » (confer l’ouvrage de Francine-Dominique Lichtenhan : « Le laboratoire du Goulag : 1918-1939″), afin de déterminer la ration de nourriture permettant d’optimiser la productivité du prisonnier-esclave. Les plus faibles n’étaient quasiment pas nourris, alors ils mouraient de faim ; et les plus robustes étaient nourris juste de quoi les maintenir en vie encore quelques temps…

Sous l’ère Stalinienne, de 1930 à 1933, plus de deux millions de Koulaks furent exilés en Sibérie, au Kazakhstan ainsi que dans d’autres régions inhospitalières en tant qu’ »exilés spéciaux ».

En 1932-1933, 6 000 000 de personnes (principalement des paysans) moururent de faim, essentiellement en Ukraine et en Russie Méridionale, suite à la reprise des réquisitions forcées des récoltes agricoles, comme lors de la période du Communisme de Guerre sous Lénine, entre 1918 et 1922.
Les personnes qui, pour ne pas mourir de faim, volaient quelques pommes de terre ou épis de blé étaient condamnées dans le cadre du sinistre Article 58 du code criminel Soviétique, et écopaient de dix ans de Goulag ou étaient exécutées sommairement.

Pour atteindre les faramineux objectifs de son plan quinquennal, Staline avait besoin d’une phénoménale quantité de : charbon, de gaz, de pétrole et de bois. Ces matières premières étaient disponibles dans les régions inhospitalières et glaciales de la Sibérie, du Kazakhstan et dans le Grand Nord. Les géologues découvrirent également des gisements importants au nord-est de la région de la Kolyma.

L’un des plus gros chantiers au début des années 1930, fut celui du canal de la mer Blanche ou « Belomorkanal ». L’objectif était de créer un canal de 225 Kms de long, d’y aménager cinq barrages et dix-neuf écluses. Staline exigea que le canal soit construit en vingt mois. De plus, il tenait à ce qu’il soit réalisé de manière rudimentaire, sans machine, uniquement avec de simples outils fabriqués à la main par les prisonniers du Goulag : des bêches en bois, des scies à main, des pioches, des brouettes… le tout essentiellement dans un sol granitique. De nombreux zeks (prisonniers) furent transférés du SLON (Archipel des Solovetski). Les travaux débutèrent en septembre 1931. Ce camp mobile fut nommé le « Belbaltlag ». Au total 170 000 détenus travaillèrent sur ce titanesque chantier. Au fur et à mesure de l’avancement du chantier, les détenus devaient construire eux-mêmes leurs propres baraquements en bois. Le canal fut terminé dans les délais en août 1933, mais au prix de la vie de 25 000 détenus qui périrent de faim, d’épuisement, de froid, de maladie…
La tragique ironie de l’histoire est que le canal qui ne fut creusé que sur une profondeur de 3.6 mètres, permettait à peine de laisser naviguer les bâtiments de la marine. Très peu utilisé depuis, et encore aujourd’hui, il n’est emprunté que par de rares péniches.

Au milieu des années 1930, le Goulag comprenait 300 000 détenus, comme par exemple dans les camps suivants (page 163) :

« Il avait mis 15 000 hommes au travail au Dallag, nouveau camp d’Extrême-Orient. Plus de 20 000 construisaient et faisaient tourner des usines chimiques au Vichlag, camp organisé sur la base de la division de Vicherski du SLON, sur le versant ouest de l’Oural. Au Siblag, en Sibérie occidentale, des prisonniers construisaient la voie ferrée du nord, faisaient des briques et abattaient des arbres, tandis que les 40 000 détenus du SLON construisaient des routes, coupaient du bois pour l’exportation et conditionnaient 40 % du poisson pêché dans la mer Blanche. »

L’inépuisable ressource humaine « prélevée » lors des arrestations arbitraires, permettait de renouveler constamment, les zeks (prisonniers) qui mouraient au Goulag. En effet, la déshumanisation était poussée au point que les détenus n’étaient plus considérés comme des êtres humains, mais uniquement comme des : « outils », des « rouages », des « boulons ».

Le 18 mai 1933, un groupe de 6 114 paysans fut déporté sur l’île désertique de Nazino. Trois mois plus tard, le 20 août, dans ces conditions extrêmes de survie, 4 000 des 6 114 déportés étaient déjà morts. N’ayant absolument rien à manger, pour survivre, les rescapés ont dû manger la chair des morts.
Le comble, c’est que l’implacable régime Totalitaire Stalinien fit arrêter les survivants et les condamna pour cannibalisme.

Entre janvier 1933 et janvier 1936, fut créé le BAMlag. L’objectif de ce camp était la construction d’une voie ferrée pour l’express transsibérien, entre Baïkal et Amour, en Extrême-Orient soviétique. En 1936, il y eut jusqu’à 180 000 zeks dans ce camp, et tragiquement, encore 10 000 détenus y trouvèrent la mort.
En 1929, eut lieu le chantier de la voie ferrée du Sevlag, au nord d’Arkhangelsk.
En 1938, le camp du Vorkoutlag fut créé dans la toundra Arctique au Nord de la région des Komis et comptait 15 000 détenus. Ce camp était spécialisé dans l’extraction du charbon, dans des conditions effroyables de travail pour les prisonniers. Ce camp devint la ville de Vorkouta. Le Vorkoutlag faisait partie d’un réseau de camps (page 178) :

« A la fin de la décennie, l’Oukhtpetchlag ne serait plus du tout un camp isolé. Il engendra en fait tout un réseau de camps – deux douzaines, au total, en plus de l’Oukhtpetchlag, l’Oukhtijemlag (pétrole et charbon) ; l’Oustvymlag (abattage des arbres) ; Vorkouta et Inta (mines de charbon) et le Sevjeldorlag (voie ferrée). »

L’immense région de la Kolyma se situe, elle, dans le nord-est de la Sibérie sur la côte du Pacifique, et est certainement la région la plus inhospitalière de la Russie. En effet, les températures peuvent descendre jusqu’à – 40°, voire – 50°, et la région est totalement isolée.
Les conditions de déportation pour atteindre la Kolyma étaient longues et épouvantables en bateaux, pour atteindre le port de Magadan, puis accéder à la vallée de la Kolyma. Sur ce site faisant partie du trust du Dalstroï, les prisonniers extrayaient de l’or.
Sur 16 000 détenus envoyés à la Kolyma la première année, seulement 9 928 détenus arrivèrent au port de Magadan en vie !
En 1934, le Dmitlag, était le camp qui construisit le canal Moscou-Volga et utilisa près de 200 000 détenus, encore plus que pour celui de la mer Blanche.
A cette même époque, le Siblag comprenait 63 000 détenus et le Dallag, 50 000, puis… (pages 189 et 190) :

« D’autres camps avaient vu le jour à travers l’Union soviétique : le Sazlag, en Ouzbékistan, où les détenus travaillaient sur des fermes collectives ; le Svirlag, près de Leningrad, où des prisonniers coupaient des arbres et préparaient des produits du bois pour la ville ; et le Karlag, au Kazakhstan, qui faisait travailler ses détenus comme paysans, ouvriers et même pêcheurs. »

Cette même année 1934, l’OGPOU, fut réorganisée et changea encore de nom pour devenir le « commissariat du Peuple à l’Intérieur » ou N.K.V.D..

Lors de la « Grande Terreur » de 1937-1938, le Pouvoir Totalitaire Communiste de Staline inventa deux terribles catégories de sanction :
– La « première catégorie » des condamnés à mort ;
– Et dans la « seconde catégorie », les prisonniers étaient déportés en camps de concentration pour une durée de 8 à 10 ans.
Au total ce sont des centaines de milliers de personnes qui furent déportées ou exécutées, durant cette effroyable période que fut la « Grande Terreur ».
Puis Béria devint le nouveau chef du N.K.V.D., remplaçant ainsi l’infâme Iejov (l’organisateur de la « Grande Terreur »). Béria créa des « laboratoires spéciaux » (Charachki) ou « Quatrième Département spécial », destinés à regrouper les prisonniers scientifiques. Environ un millier de scientifiques travaillaient dans ces camps.
Le célèbre ingénieur en aéronautique, Tupolev ; Valentin Glouchko le principal concepteur Soviétique de moteurs de fusées ; ainsi que Sergueï Korolev, qui deviendra plus tard le concepteur de « Spoutnik » (le premier satellite d’Union soviétique et de tout le programme spatial du pays), faisaient parties des prisonniers scientifiques.

Puis, de nouveaux camps continuaient de s’ouvrir comme le Norillag (ou Norilsk), situé au nord du cercle arctique. Norilsk, lui, exploitait à l’époque, certainement le plus grand gisement de nickel du monde. Au plus fort de son activité en 1952, il comprenait 68 849 prisonniers.
Pendant la « Grande Terreur » en 1937, le N.K.V.D. créa aussi le Kargopollag dans la région d’Arkhangelsk, ainsi que le Kraslag dans le district de Krasnoïarsk en Sibérie du Nord. Chacun de ces camps comprenait environ 30 000 zeks, et étaient principalement des camps forestiers (usines de transformation du bois, fabriques de meubles, briqueteries).

L’immuable et sinistre rituel d’une déportation se déroulait presque toujours de la même manière : en commençant par une perquisition sans motif, suivie d’une incarcération dans une prison surpeuplée et dans des conditions d’hygiènes innommables. Le comportement des geôliers et les conditions de détention étaient déshumanisantes envers les soi-disant « ennemis du peuple ». Après avoir été interrogés, et la plupart du temps torturés, quand ils ne finissaient pas être fusillés, les zeks étaient acheminés, dans des camions nommés les « corbeaux noirs » composés de minuscules cellules, jusqu’à une gare pour y être déportés dans des convois de train composés de wagons à bestiaux. Un simple trou dans le plancher permettait aux déportés de faire leurs besoins, dans un wagon saturés de ce qui commençait à ressembler à des « ombres humaines ». En effet, certaines de ces dernières se rapprochaient déjà de la mort tout au long de l’effroyable et interminable voyage à travers la Russie, en destination des camps de concentration. La déshumanisation était alors totale, chacun des prisonniers devant faire ses besoins devant les autres, et pour les plus faibles, ils se faisaient sur eux. Les wagons étaient rarement munis d’un poêle pour résister aux rigueurs extrêmes de l’hiver Sibérien, et le manque de nourriture et d’eau transformaient le périple en un calvaire inhumain. D’autant plus que compte tenu des distances importantes, les voyages pouvaient durer des semaines dans l’enfer de ces wagons à bestiaux, et nombreux étaient ceux qui mouraient en cours de route. Les températures extrêmes en hiver comme en été rendaient l’atmosphère intenable. L’horreur était encore renforcée par les irrespirables odeurs de miction et de défécation.
Voici un extrait permettant d’avoir une petite idée de l’horreur des déportations en trains (pages 311 et 312) :

« Sur les 1402 détenus de l’ »echelon » SK 950, 1 283 arrivèrent à destination : 53 étaient morts en cours de route, 66 avaient été hospitalisés en chemin. A l’arrivée, 355 autres durent être hospitalisés avec une gelure au troisième ou au quatrième degré, une pneumonie ou d’autres maladies. Le voyage avait apparemment duré soixante jours, dont vingt-quatre d’immobilisation sur des voies de garage en raison « d’une mauvaise organisation ». »

Les déportations en bateaux étaient tout aussi inhumaines que dans les wagons à bestiaux : la « cargaison » humaine était parquée dans la cale des navires. Les prisonniers se battaient pour attraper le peu de nourriture jetée par les gardiens. L’odeur était pestilentielle à cause des déjections et des vomissures. Les uns serrés contre les autres, les viols y étaient légions.
Ceux qui arrivaient encore vivant dans les camps étaient pour la plupart, dans un état de délabrement physique et psychologique avancé.

A l’instar de l’écriteau figurant à l’entrée du camp Nazi d’Auschwitz : « Arbeit macht frei – « le travail rend libre » ; bien avant, le Goulag Soviétique gravait ses propres slogans censés conduire le Peuple Russe et la « classe prolétarienne mondiale » vers l’ »avenir radieux » du Communisme.
A l’entrée d’un lagpounkt (camp) de la Kolyma était inscrit :
« Le travail en URSS est affaire d’honnêteté, de gloire, de vaillance et d’héroïsme ! ».
A l’entrée d’un autre camp de la banlieue d’Irkoutsk était également affiché :
« Avec un juste travail je paierai ma dette envers la patrie ».
Et à l’entrée de l’Archipel des Solovetski trônait, en 1933 :
« D’une poigne de fer, nous conduirons l’humanité vers le bonheur ! ».

Afin de tenter d’échapper aux travaux forcés, de nombreux zeks préféraient s’auto-mutiler en se tranchant des doigts, une main ou un pied avec une hache, ainsi qu’un nombre incalculable d’autres moyens de mutilation extrêmement dangereux pour leur vie.
Mais la tragique ironie de cette situation fut que ces prisonniers en s’automutilant, devenaient passibles d’une peine de camp supplémentaire…

Le désespoir de vies irrémédiablement brisées, de familles séparées à jamais, conduisait souvent les détenus au suicide dans les prisons, les prisons de transit et les camps de concentration. Nombreux également étaient ceux qui se suicidaient après leur sortie des camps, n’ayant plus rien : ni famille, ni situation, ni biens, et qui plus est, plus aucune perspective d’avenir dans cette société Totalitaire Soviétique…
Compte tenu de la dislocation des familles suite à la Terreur Étatique Soviétique, une quantité monumentale d’enfants se retrouvèrent orphelins. En effet, selon les propres Archives du N.K.V.D. : l’U.R.S.S. comptait 842 144 enfants sans foyer dans les années 1943 à 1945. Et 52 830 furent envoyés dans des « colonies d’éducation par le travail », c’est-à-dire, en clair, ni plus ni moins que des camps de concentration pour enfants !

Jusqu’au début des années 1950, les camps jouèrent un rôle essentiel dans le développement économique de l’U.R.S.S. (page 13) :

« Ils produisaient un tiers de l’or du pays, une bonne partie de son charbon et de son bois d’oeuvre, et une grosse quantité de tout le reste ou presque. Au cours de l’existence de l’Union soviétique, au moins 476 complexes virent le jour, consistant en plusieurs milliers de camps, qui contenaient chacun de quelques centaines à plusieurs milliers de détenus. Travaillant dans presque tous les secteurs possibles et imaginables – exploitation du bois, mines, construction, industrie, fermes, aéronautique et artillerie -, les détenus vivaient en fait dans un pays à l’intérieur du pays, presque une civilisation séparée. »

Après la mort de Staline, le 5 mars 1953, et jusqu’à quasiment l’effondrement de l’U.R.S.S. (entre 1989 et 1991), les camps de concentration furent soit, partiellement démantelés, soit transformés en prisons et « hôpitaux psychiatriques spéciaux » (psikhouchka), destinés à y enfermer les dissidents politiques, comme le célèbre Vladimir Boukovski.

En conclusion :

Au total, en 74 années de Totalitarisme Communiste, d’Octobre 1917 à 1991, ce sont environ 18 000 000 de personnes qui sont passées par le Goulag, auxquelles il faut encore ajouter au moins 6 000 000 de victimes qui furent déportées et exilées dans des contrées hostiles, telles que les déserts Kazakhs ou les forêts Sibériennes. En rajoutant encore tous les forçats de l’ère Soviétique, Anne Applebaum arrive à l’effroyable bilan de : 28 700 000 esclaves en U.R.S.S., et plusieurs MILLIONS de morts au Goulag !
Enfin pour avoir une vue d’ensemble des 74 années soumises à la Terreur Totalitaire Communiste Soviétique, il faut ajouter à ce tragique et ignominieux drame humain : les millions de morts des gigantesques famines de 1921-1922 et de 1932-1933, les répressions de masse durant le Communisme de Guerre, la Terreur Rouge Bolchevique, la « Décosaquisation » en 1919, la Guerre Civile entre 1918 et 1923, l’écrasement de l’insurrection des marins de Cronstadt en mars 1921, les innombrables exécutions sommaires individuelles et de masse des imaginaires « ennemis de classe », la « Dékoulakisation » à partir de 1930, les 750 000 victimes de la « Grande Terreur » de 1937-1938, les 25 700 victimes du massacre de Katyn en 1940, etc., etc..

Je ne cite ici que quelques exemples de camps et complexes du Goulag parmi une foultitude d’autres.
Contrairement aux Nazis, les Soviétiques ont largement eu le temps de détruire toute trace de leur innommable « Archipel du Goulag ». Très peu de photos existent, aucun film n’a jamais été tourné, seuls les récits et les témoignages écrits des survivants, les documents d’Archives ainsi que les ouvrages des historiens permettent de perpétuer la Mémoire collective.
De même que Auschwitz représente le symbole de l’ »Univers concentrationnaire » Nazi, la Kolyma, elle, (confer les incontournables récits de Varlam Chalamov dans : « Récits de la Kolyma »), certes moins connue, représente le symbole de l’ »Archipel du Goulag ».

Cet ouvrage de Anne Applebaum est fondamental car il contient :
– Une foultitude de citations extraites des ouvrages des survivants ;
– Les Archives les plus récentes sur le Goulag ;
– Des interviews de survivants et de familles de survivants, entre 1998 et 2002, lors du périple de l’auteure en Russie ;
– Des interviews également des membres de la Société du Mémorial de Moscou ;
– Et de surcroît, Anne Applebaum s’est rendue sur de nombreux emplacements où étaient implantés les camps, et bien évidemment sur…, l’Archipel des Solovetski.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, cet ouvrage représente un formidable hommage à la Mémoire de toutes les victimes anonymes et oubliées du Goulag et du Totalitarisme Communiste Soviétique ; en plus de participer à reconstituer l’Histoire du Totalitarisme Communiste Mondial et notre Mémoire collective.

Détails sur Goulag. Une histoire

Auteur : Anne Applebaum

Editeur : Grasset

Nombre de pages : 720

Isbn : 978-2246661214

Goulag. Une histoire

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