Aux origines du Goulag : récits des îles Solovki

Critique de le 15 septembre 2020

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (Pas encore d'évaluation)
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Histoire

L’historien Nicolas Werth qui est spécialiste du Totalitarisme Communiste et plus particulièrement Soviétologue, exhume ici deux témoignages de survivants essentiels, exceptionnels de part leurs crues réalités insoutenables, rares (comparables à celui, formidable sur la période 1917-1924, de Sergueï Melgounov La terreur rouge en Russie : (1918-1924)) et complémentaires, ceux de : Sozerko Malsagov un prisonnier évadé et Nikolaï Kisselev-Gromov un tchékiste écoeuré et horrifié par ce qu’il voyait et qui s’est, lui aussi, échappé des Solovki.

L’Archipel des îles Solovki est le premier, plus grand camp de concentration d’U.R.S.S. dès 1923, genèse et « laboratoire » du futur Goulag, situé dans une contrée nordique magnifique mais extrêmement hostile, avec ses 260 jours d’hiver glacial par an.
Cet immense camp fut transformé de monastère en camp de concentration par l’infernale Troïka composée de : Lénine (chef du Parti-Etat-Unique Bolcheviquo-Communiste depuis le coup d’Etat militaire du 7 novembre 1917), Trotski (Chef de l’Armée Rouge), Felix Dzerjinski (Chef de la Tcheka, la Police Politique et responsable des camps de concentration) et sans oublier, le déjà membre du Politburo avec ses trois acolytes terroristes ; et même, nommé dès 1922 par Lénine lui-même, Secrétaire Général du Parti Communiste d’Union Soviétique (P.C.U.S.) : l’infâme Staline.

Deux témoignages donc qui sont restés quasiment inaperçus (malheureusement comme tant d’autres !) en Occident. Celui de Malsagov fut publié en 1925 à Riga puis en 1926 à Londres et celui de Kisselev-Gromov publié, lui, en 1936 à Shanghai. Pourtant le système Totalitaire Communiste d’U.R.S.S. à lui seul (sans compter les autres camps de concentration des autres régimes Totalitaires Communistes dans le monde : Chine, Cuba, Roumanie, Cambodge, Corée du Nord, Vietnam, etc..), fut le plus vaste complexe concentrationnaire (Goulag) du 20ème siècle et même de toute l’histoire de l’Humanité. Concrètement, entre 1920 et les années 1950, environ 20 MILLIONS de Russes, soit 1 adulte sur 6 sont « passés » par le Goulag, dont 2 MILLIONS y sont morts !
(Je précise ici : Quant au système Totalitaire Nazi, lui, il compta tragiquement en plus de son propre « Univers concentrationnaire », ses immondes « usines » de la mort : ses Centres d’extermination).

Deux décrets, entre autres, sont fondamentaux dans l’officialisation de la création des camps de concentration par les Communistes. Nicolas Werth présente le premier décret, page 10 :

« Les premiers camps, désignés sous le terme de « konzlager » (un mot allemand transposé tel quel en russe), sont mis en place durant l’été 1918, en pleine guerre civile. Ils ont pour fonction, selon les termes du décret du gouvernement bolchevique en date du 5 septembre 1918, « de protéger la République soviétique contre ses ennemis de classe en isolant ceux-ci dans des camps de concentration ». Ces camps sont gérés par la Tcheka, la police politique du nouveau régime créée à l`initiative de Lénine dès le 7 décembre 1917 et dirigée par Felix Dzerjinski ».

Puis, le second décret, page 11 :

« Faute de temps et d’organisation le dispositif des camps de « travail correctif » prévu par le décret du 15 avril 1919, qui prévoit l’ouverture, dans chaque province, « d’au moins un camp de travail correctif d’une capacité de trois cents places qui remplacera progressivement les prisons », se structure difficilement.
Dans le chaos de la guerre civile, la frontière entre camps de travail correctif et camps de concentration est souvent brouillée. La plupart – on en compte plus d’une centaine à la fin de l’année 1920, totalisant environ 100 000 détenus – regroupent indifféremment « bourgeois » incarcérés sans jugement « jusqu’à la fin de la guerre civile », délinquants condamnés, soldats de l’Armée blanche faits prisonniers et membres des familles de paysans insurgés pris en otages. Néanmoins, deux grands camps de concentration, de sinistre renommée, se détachent du lot : Pertominsk et Kholmogory, dans le Grand Nord, près d’Arkhangelsk. »

Ces deux grands camps de Pertominsk et Kholmogory, entre autres, sont donc créés en 1919 pendant la terrible Guerre Civile de 1918 – 1922. Ils « alimentent » en prisonniers (« otages », « koulaks », « bourgeois », « suspects », « contre-révolutionnaires », « catégories socialement dangereuses », « ennemis de classes », etc.) celui des îles Solvoki « camp à destination spéciale des Solovki ou S.L.O.N. » à partir de 1923.
A Pertominsk et Kholmogory, des milliers de détenus sont fusillés et noyés en masse dans le fleuve.

Depuis le XVème siècle et jusqu’au coup d’Etat Bolchevique de 1917, l’Archipel des Solovki comprenait un superbe monastère avec 400 religieux et de nombreux trésors liturgiques. Dès 1918, les Bolcheviques commencent : à tuer une grande partie des moines et à envoyer les autres aux travaux forcés, à piller le monastère et sa bibliothèque en faisant des autodafés de ses oeuvres uniques. En mai 1923, un incendie ravage le monastère et au mois de juillet débarquent des milliers de détenus et le décret sur la création du « camp à destination spéciale des Solovki, S.L.O.N. » est promulgué le 13 octobre 1923.
L’Archipel des Solovki contient 6 principales îles : la Grande Ile (lieu du monastère), la Grande et la Petite Mouksalma, l’île d’Anzer, la Grande et la Petite île aux Lièvres.

1 / Le premier témoignage est donc celui de Sozerko Malsagov, survivant de l’ »île de l’enfer » en 1925.
Après la défaite de l’Armée Blanche de Denikine, pendant la Guerre Civile provoquée par les Bolcheviques (Communistes) et abusé par une fausse promesse d’amnistie du Pouvoir Bolchevique, Malsagov se rend à la Tcheka de Batoum. Il est alors interrogé et torturé pendant huit mois, dans l’effroyable prison du château de Metekh à Tiflis.

L’auteur décrit les horribles interrogatoires nocturnes sous la torture, ainsi que les multiples exécutions auxquelles il assiste dans les locaux de la Tcheka de Batoum, puis dans la prison de Tiflis. Chaque jeudi étaient fusillés entre soixante et cent personnes ! Il fut alors transféré dans les prisons de Petrovsk, Grozny et Vladikavkaz. Et pour finir cet interminable calvaire, il finit par être déporté dans l’immense camp de concentration des îles Solovki.

Malsagov est alors condamné à trois ans de « camp à régime spécial » aux Solovki. Au bout d’un an et demi il réussit à s’enfuir. Il arrive en Finlande puis part en Pologne. Durant la Seconde Guerre Mondiale, il sert comme officier en Pologne. Par une terrible malchance il se retrouve, à nouveau, déporté en camp de concentration en 1939, mais cette fois-ci par les Nazis. Il s’échappe une fois encore en 1941 et rentre alors dans la résistance Polonaise. Il fuit à nouveau les Soviétiques qui ont envahi la Pologne en 1939 dans le cadre du Pacte Germano-Soviétique, pour finir par s’exiler définitivement en Grande-Bretagne en 1945, où il mourut en 1976. Depuis son départ de Russie et jusqu’à sa mort, il n’a jamais pu revoir sa famille : sa femme, ses enfants…, qui eux parallèlement étaient également persécutés en U.R.S.S., par le N.K.V.D. (la Police Politique Stalinienne).

Malsagov commence son épouvantable récit en décrivant les terribles conditions de survie des prisonniers dans les camps de concentration de Kholmogory et de Pertominsk, pages 55 et 56 :

« Les camps de concentration de Kholmogory et de Pertominsk furent créés par le gouvernement soviétique à la fin de 1919. On y déportait des gens de tous les coins de la Russie. Sur place, ils habitaient dans des baraquements construits à la hâte qui n’étaient jamais chauffés, même au comble de l’hiver (lorsque la température dans ces contrées nordiques descendait à moins cinquante ou moins soixante degrés).
Voici quelle était leur ration journalière : une pomme de terre pour le petit déjeuner, des pelures de pomme de terre cuites à l’eau pour le déjeuner et une pomme de terre pour le dîner. Sans même parler de viande ou de beurre, ils n’avaient droit ni à une croûte de pain, ni à quelques grammes de sucre. Portés au désespoir par la tourmente de la faim, ceux qui souffraient d’inanition rongeaient l’écorce des arbres. Sous menace de torture ou de mort, on les obligeait à accomplir le travail le plus pénible : essoucher, travailler dans des carrières, flotter du bois. »

L’auteur continue par la macabre description des lieux, page 57 :

« Le commandant adjoint à Kholmogory – le Polonais Kwicinski – était particulièrement féroce. Les horreurs de la « Maison blanche » aux environs de Kholmogory pèsent sur la conscience de ce bourreau sadique. Ce nom fut donné à un manoir abandonné par ses propriétaires, dont la maison de maître était peinte en blanc. Pendant deux ans, de 1920 à 1922, sous les ordres de Kwicinski, on y fusillait quotidiennement. La réputation du lieu était doublement terrifiante du fait que l’on n’enterrait pas les corps. Vers la fin 1922, tous les locaux de la Maison blanche étaient remplis de cadavres jusqu’au plafond.
Deux mille matelots de Kronstadt ont été fusillés en trois jours. La puanteur des corps en décomposition empoisonnait l’air à des kilomètres à la ronde. Les détenus du camp étouffaient et certains même perdaient connaissance tant l’odeur était pestilentielle, de jour comme la nuit. Les trois quarts des habitants de Kholmogory ne purent supporter cela et abandonnèrent leurs maisons. »

Et encore, page 58 :

« Selon les témoins sur place, près de dix mille personnes ont été fusillées à Kholmogory et à Pertominsk. Cela semble horrible, mais ce nombre n’a rien d’extraordinaire. Car pendant trois ans, jusqu’à leur démantèlement, ces camps ont été la principale prison de toute la Russie soviétique. De tous les coins de la Russie européenne et asiatique, on y envoyait les convois de ceux que les tchékistes ne souhaitaient pas tuer sur place, notamment tous ceux qui avaient été « amnistiés » par les autorités locales.
A Kholomogory et Pertominsk, les bourreaux utilisaient également un autre moyen d’extermination : la noyade. Je vais citer quelques cas parmi la quantité que je connais.
En 1921, on a chargé quatre mille anciens officiers et soldats de l’armée Wrangel à bord d’une barge qu’on a coulée à l’embouchure de la Dvina. Ceux qui savaient nager ont été mitraillés.
En 1922, quelques autres chalands chargés de détenus ont été sabordés dans la Dvina, sous les yeux des gens. D’autres prisonniers, dont beaucoup de femmes, ont été débarqués sur une île près de Kholmogory et mitraillés depuis des péniches qui les avaient amenés. Sur cette île, les meurtres de masse se sont poursuivis pendant longtemps. Comme la Maison blanche, elle était remplie de cadavres. »

Maslagov nous raconte également de quelle manière il a frôlé l’exécution sommaire d’une balle dans la tête, page 38 :

« Les tentatives de persuasion alternaient avec des injures et des tirs de revolver au-dessus de ma tête. On fit tout pour me faire peur.
Je niai toute culpabilité et refusai de nommer des complices. Je fus alors amené, avec trois autres détenus, dans la cour de la prison pour être exécuté. L’un des prisonniers fut abattu à deux pas de moi. Un deuxième s’écroula également. Le troisième tomba en perdant son sang. On me cria : « C’est ton tour ! ».
Je me tenais, hébété, près des corps de mes malheureux compagnons. Les tchékistes, dont les canons de revolvers touchaient presque ma tête, hurlaient : « Avoue ! » Je restai muet. Pour une raison inconnue, ils ne me tuèrent pas. Sans doute avaient-ils besoin de moi vivant. »

2 / Le second témoignage est donc celui de Nikolaï Kisselev-Gromov qui a combattu dans l’Armée Blanche, puis qui fut fait prisonnier par les Rouges (Bolcheviques) en 1919. Il réussit alors à changer d’identité et rentre dans les rangs de la Tcheka. Tentant de quitter les « Organes » Bolcheviques, il est sanctionné par une affectation à l’administration du camp des Solovki, dont il s’évade en 1930.

On retrouve dans de nombreux témoignages de survivants du Totalitarisme Communiste, l’affreuse « coutume » de l’automutilation des prisonniers. Car en effet, les travaux comme l’abattage des arbres dans les forêts, par moins 40 degrés (à travailler à moitié enfoncé dans la neige, juste habillé de vieilles hardes en lambeaux) sont inhumains. Nikolaï Kisselev-Gromov montre à quel point les conditions de survie sont déshumanisantes et barbares, page 265 :

« L’insoutenable dureté des travaux forcés conduit certains à poser la main gauche sur une souche et à se couper les doigts, voire la main entière, d’un coup de hache. Les gardes battent violemment les auteurs de telles automutilations, puis les renvoient consulter l’infirmier de permanence, au camp. Ils leur donnent alors un « passe ». Il s’agit d’un rondin de bois d’une bonne trentaine de kilos, sur lequel le garde en chef a fixé un papier où il a écrit : « Le porteur de ceci est un tire-au-flanc, un parasite, un simulateur. Je le renvoie au camp pour qu’on y fasse bander sa main coupée à la hache. Une fois le bandage posé, merci de me le renvoyer pour qu’il termine son travail ». Le mutilé doit porter ce laissez-passer sur des kilomètres. Arrivé au camp, il reçoit une nouvelle correction de la part du tchékiste de garde, avant de pouvoir enfin rencontrer l’infirmier. Celui-ci étale de l’iode sur la plaie, pose un bandage fait de vieilles chemises mal lavées, pleines de lentes, et remet le blessé à la disposition du responsable du camp, qui s’empresse de charger un planton de ramener le mutilé au travail. « Tu croyais quoi, chacal, qu’on te trouverait plus de travail ? Tu peux plus couper de bois… ben tu vas scier ! Une main te suffira… » ricanent les tchékistes et les contremaîtres. Et le mutilé scie. Il scie d’une seule main, chaque jour, soit jusqu’à ce qu’il meure des suites d’une infection sanguine, soit jusqu’à ce qu’il demande à un camarade de lui couper l’autre main… S’il survit à la seconde amputation alors, au printemps, on l’enverra sur l’île de Kond, et là, c’est la fin. Personne n’en n’est jamais revenu vivant.
Il existe au SLON un ordre particulier concernant les coupables d’automutilations : « Ne pas les libérer du travail et exiger qu’ils atteignent les objectifs fixés. » Cet ordre a été signé par le chef du SLON, Nogtev ; la même directive a été envoyée par le chef de la Section spéciale auprès du Collège de l’OGPOu, Gleb Boki. Mesure logique. Si les règles concernant les automutilés n’étaient pas aussi sévères, tous les détenus se trancheraient les doigts ou les mains ! Et dans ce cas, qui abattrait tout ce bois pour le SLON ? Qu’adviendrait-il du plan quinquennal ? Pourrait-on encore le réaliser en quatre ans ? Comment les bolcheviks obtiendraient-ils ces devises étrangères dont ils ont tant besoin ?
De nombreux détenus, voyant que l’automutilation ne les sauvera pas, et comprenant que leur seule perspective est une mort inévitable précédée de longues souffrances, prennent une décision plus radicale : ils se pendent à des arbres gelés ou se couchent sous un pin au moment où on l’abat. C’est le seul moyen qu’ils trouvent pour mettre fin, une bonne fois pour toutes, à leurs tourments. »

Aux Solovki, les femmes qui constituaient environ 10 % des détenus, étaient traitées comme du « bétail » sexuel que se partageaient les perverses tchékistes. Une fois contaminées par une maladie vénérienne, elles étaient envoyées au mouroir dans l’église du Golgotha.

Sozerko Malsagov et Nikolaï Kisselev-Gromov racontent tout au long de leurs monstrueux récits, les multiples formes : d’humiliations, de déshumanisations ainsi que les méthodes sadiques et barbares pour massacrer les prisonniers-esclaves.

Deux témoignages de survivants fondamentaux montrant l’INSIGNIFIANCE de la vie humaine dans l’univers Bolchevique (Communiste). Par leurs témoignages, ils viennent également expliciter et confirmer que le monstre Totalitaire Communiste réel a bel et bien pris forme entre 1917 et 1923. Et que les responsables de toutes ces monstruosités sont bien les deux pseudo-cerveaux terroristes de la bande : Lénine et Trotski aidés dans l’accomplissement de leur horrible besogne par le sadique Dzerjinski, sans oublier celui qui attendait patiemment à la tête du P.C.U.S., son heure de « gloire » dans le 20ème siècle : l’ignoble Staline.
Les trois principaux piliers du Totalitarisme Communiste se sont donc forgés pendant cette terrifiante période : l’application de l’Idéologie par la Terreur de masse et les immondes…, camps de concentration du Goulag !

Confer également d’autres ouvrages aussi passionnants sur le même thème de :
– Raymond Duguet Un bagne en Russie : Solovki ;
– Boris Chiriaev La veilleuse des Solovski ;
– Sergueï Melgounov La terreur rouge en Russie : (1918-1924) ;
– Francine-Dominique Liechtenhan Le laboratoire du Goulag : 1918-1939.

Détails sur Aux origines du Goulag : récits des îles Solovki

Auteur : Sozerko Malsagov et Nikolaï Kisselev-Gromov

Editeur : François Bourin Editeur

Nombre de pages : 425

Isbn : 978-2849412282

Aux origines du Goulag : récits des îles Solovki

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