La grande photographie oblige toujours à s’interroger sur ce qui la distingue de la photographie ordinaire et banale. Sachant qu’à la différence du musicien ou du sculpteur, le photographe ne modifie aucune substance, il ne façonne pas, il ne crée pas et pourtant, il peut être un véritable artiste. Où donc réside son art ? Sans doute dans l’aptitude qui est la sienne à montrer ce que les autres ne voient pas, à révéler ce que le monde regorge de beauté et de mystère. Son regard, c’est-à-dire sa conscience ne glisse pas, indifférente, sur le réel, qu’il saisit dans l’instant, unique et irréversible. Sa vision embrasse, fusionne avec l’harmonie secrète des choses. Parce qu’il scrute, ou dans le meilleur des cas contemple, son art, pourtant dépendant d’un mécanisme, est peut-être paradoxalement le plus métaphysique, car il donne à voir l’intérieur du monde dans ce qu’il à de plus extérieur, ce que le Grand Peintre de l’Univers produit à chaque seconde de nouveau, il le capte sans rien y ajouter ou retrancher. Mais ce que nous voyons dans l’oeuvre du photographe, c’est aussi, assez étrangement, le degré de perception spirituel qui est le sien : comment il voit ce qu’il faut voir ! En dignes successeurs des Michaud, Sylvain et Nathalie Labeste, auteurs de ce magnifique ouvrage ont gravé l’empreinte du Tibet éternel. Sorte de Moyen Âge vivant, du moins à l’époque ou ils l’ont traversé, il manifeste ce que fut, malgré sa rudesse, une communauté humaine que soutient la seule force de l’Esprit. La beauté fulgurante des sites naturels comme des architectures montre ce que pouvait être une société harmonieuse qui indique le chemin du Ciel sans négliger les équilibres de la Terre.
Patrick Geay.
Détails sur Tibet, Voyage en Terre Intérieure
Auteur : Sylvain et Nathalie Labeste
Editeur : Georges Naef Éditions