Le manuel du serial Killer, de Frédéric Mars — COUP DE COEUR

Critique de le 31 mars 2013

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (16 votes, moyenne: 4,50 / 5)
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Psychologie

Si je devais comparer ce roman à une toile, je choisirais un tableau « Trompe-l’oeil », c’est à dire le fait de jouer sur la confusion de la perception. Nous sommes magistralement trompés, bluffés du début jusqu’à la fin, surtout la fin. Frédéric Mars jongle adroitement avec les perspectives et c’est bien sûr à nous, lecteurs, de nous poser à la bonne place pour choisir celles qui nous dévoilera la vérité, soit l’image qui reflétera la réalité, l’exactitude des faits. Un joli tour d’illusionniste et, surtout, de manipulation.

Ce que nous écrit l’auteur n’est pas à prendre pour argent comptant, ce qu’il nous dévoile au cours de son roman n’est de loin pas une certitude. Bref, je n’en dit pas plus, à part peut-être le fait que Frédéric Mars ne noue proclame pas vraiment des paroles d’évangile!

Comme vous devez certainement le savoir, Thomas Harris est un écrivain américain qui s’est largement fait connaître par son célèbre personnage Hannibal – Lecter – le cannibale. Mais ce que vous ne savez certainement pas – ou pas encore -, c’est aussi le personnage principal de ce roman de Frédéric Mars.

Ce jeune homme de 21 ans, orphelin, est étudiant en 4ème année de lettres dans le plus ancien établissement d’enseignement supérieur des États-Unis, l’université Harvard, à Cambridge, dans le Massachusetts. Un personnage troublant, énigmatique, qui doit supporter en permanence une difformité au visage, un oeil blanc. Moquerie, exclusion, il loge d’ailleurs dans un secteur de l’université réservé aux « tolérés », c’est tout dire.Thomas Harris est un défaitiste, un pessimiste, peut-être un certain manque de confiance le ronge en permanence; toutes bonnes nouvelles lui arrivent comme une provocation, un pied de nez supplémentaire; Thomas Harris est un persécuté.

Il faut dire que son parcours est assez chaotique, quelques haltes douloureuses dans la vie dont un enfant se serait volontiers passé; parents morts noyés, orphelinat, physique pas très attractif; il y a mieux pour débuter dans la vie, c’est vrai. Mais Thomas Harris, c’est aussi un jeune homme maîtrisant à merveille l’art de la littérature.

Lorsqu’il reçoit la proposition de tenir la rubrique judiciaire de l’université – la bonne nouvelle -, place très convoitée et en or, il accueille ce projet comme un piège; et oui, persécution quand tu nous tiens… Il reçoit comme mission de couvrir un fait divers bouleversant qui se déroule à Boston, de jeunes enfants retrouvés morts empoisonnés. N’arrivant plus supporter de suivre cette enquête déchirante, il reçoit une nouvelle proposition; travailler pour une maison d’édition spécialisée dans le thriller. Sa tâche, trier les manuscrits valables, passables ou poubellisables (j’ai inventé).

C’est dans ce contexte qu’il va tomber sur un étonnant manuscrit anonyme, indécent et scabreux; « Le Manuel du serial Killer ». Un vrai mode d’emploi, complet et précis, sur l’art de tuer. Thomas Harris va rapidement le placer dans la corbeille des poubellisables(toujours inventé) et passer à autre chose.

Premier coup de théâtre; ce fameux bouquin sort rapidement sur le marché, dans toutes les librairies, et il est signé Thomas Harris. La photo représentant l’auteur ne laisse aucune place au doute; il s’agit bien de notre jeune homme. Lui-même étonné – car il n’en est absolument pas l’auteur – il va rapidement se retrouver dans une très mauvaise posture. Le manuel, ce livre malsain et dégoûtant, est très explicite et le lien est rapidement fait avec les enfants empoisonnés vers Boston.

Thomas Harris devient le suspect no1 – voir l’ennemi public no1 -, bien malgré lui, tout l’accable, surtout « son » bouquin.

Avec son amie Sophie, troublante fille perspicace et futée, il va enquêter de son côté, sur l’affaire, mais aussi sur lui-même, sur son passé, sa famille, soit sur un territoire parfaitement inconnu. Thomas Harris a visiblement de graves pertes de mémoires sur son passé; croit-il d’ailleurs lui-même à son innocence?

Et ce bouquin, ce manuel du serial killer, nous en lisons des chapitres entiers, insérés dans l’histoire, chaque fois une petite partie déstabilisante qui remet encore une fois en question notre propre point de vue sur l’intrigue.

Dans un même registre, nous suivons les entretiens psychiatriques de Harris par le biais des comptes-rendus de son psychiatre. Encore une fois quelques chapitres qui vont nous déstabiliser et nous conduire vers une mauvaise interprétation des faits. Son enfance reste à chaque fois le sujet de l’entretien.

Le doute est persistant dans cette oeuvre. L’auteur nous met dans une situation très gênante par rapport au personnage principal. Il nous place face à un innocent dont tout accable ou alors face à un monstre extrêmement manipulateur. Le doute. Déstabilisant.

Difficile de faire confiance aux personnages de ce roman qui ne nous laissent que quelques choix au niveau de nos sentiments; de la méfiance et du doute. L’auteur a réussi un sacré coup de maître avec leur psychologie, ce qui nous donne pas mal de fil à retordre pour réussir à les cerner. Les personnages sont très bien décrits par l’auteur, avec rigueur et précision, une belle épaisseur, mais en même temps chacun de ces personnages restent troubles, comme si on les regardait évoluer derrière une vitre opaque et sale. Très paradoxal et surtout très frustrant et dur pour nos pauvres neurones.

Notre perception vis à vis des faits et des personnages se modifient sans cesse; le fameux tableau, dont je parlais, non seulement il a l’art d’être « trompe-l’oeil », mais en plus il évolue et se modifie. Une manipulation bien rodée et totalement maîtrisée.

Lors de la lecture, plusieurs questions nous viennent spontanément. Sommes-nous maître de notre mémoire? Peut-on nous manipuler pour que nos souvenirs ne soient pas vraiment les nôtres ou, inversement, nous faire perdre tout un pan de notre existence?

L’histoire de Thomas Harris nous pousse à faire ces réflexions étonnantes. Visiblement, une machination collective et solide semble être en branle, ou peut-être pas du tout!Aïe…

Frédéric Mars joue avec nos nerfs, mais surtout avec notre raisonnement qui cherche sans cesse à établir une conclusion. Mais nos arguments et nos analyses sont à chaque fois balayés d’un coup de brosse et on recommence à réfléchir différemment. Malheureusement pour nous, l’auteur manie très bien son plumeau et nous enlève continuellement les seules miettes qui nous auraient permis d’approcher de la vérité. Mais quelle vérité?

Et puis ce dénouement, ce final totalement désabusant. Frédéric Mars nous déballe tout et tout se met alors en place. Et pour nous, c’est totalement l’inverse; tout bascule et s’éparpille, se démonte et se casse la gueule. Quoi donc? Nos analyses, notre raisonnement, nos réflexions et nos nombreuses déductions. Un revirement de situation qui fait réfléchir et qui nous oblige à tout reconsidérer, du début à la fin; je dis bien, du début jusqu’à la fin…

Une tension permanente, mais pas un suspense à 200 km/h, non. Je dirais plutôt une montée en puissance régulière et très subtile, travaillée, qui permet d’obtenir un rythme qui s’accélère sans que nous ne nous en rendions vraiment compte.

C’est pour toutes ces raisons que ce livre est pour moi un coup de coeur, car l’auteur a réussi à faire ce que j’attends d’un roman, d’un thriller; me déstabiliser complètement jusqu’au point de me faire réfléchir encore une heure après avoir tourné la dernière page.

Souvenez-vous de « Shutter Island« , de Denis Lehane, surtout de son dénouement. Pourquoi je dis cela?

Détails sur Le manuel du serial Killer, de Frédéric Mars — COUP DE COEUR

Isbn : 978-2266268349

Le manuel du serial Killer, de Frédéric Mars — COUP DE COEUR

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