Loto gagnant

Critique de le 12 octobre 2012

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (16 votes, moyenne: 4,44 / 5)
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Roman

5 comme le nombre de héros de l’histoire.


Anthime, jeune comptable dans une fabrique de chaussures: Discret, timide, rêveur et amoureux en secret. Charles, son frère ainé, jeune contremaître, à l’avenir prometteur dans la même fabrique: Sûr de lui, un brin condescendant, passionné de photographie et aimé. Padioleau, Bossis et Arcenel : trois noms sans prénoms, tous camarades d’Anthime. Le premier est garçon boucher, le second équarrisseur et le troisième bourrelier.


1 comme la seule femme du récit.


Blanche est son prénom. Borne son nom. Elle est la fille du propriétaire de la fabrique de chaussures. Au moment où commence l’histoire, elle ne sait pas encore qu’elle porte la vie.


14 comme l’année où commencent les évènements.


Nous sommes au début du 20ème siècle, dans les premiers jours du mois d’août. Quelques jours plus tôt, un prince est mort à 1500 kilomètres de là ! Mais pas de fresque historique ici, le récit nous plonge dans les petites histoires des gens simples, involontairement entraînés dans les tourments de la Grande Histoire. Nous sommes en 1914, dans les tous premiers jours de ce qu’on appellera « la Grande Guerre ».


90 comme le nombre de page de ce court roman, de cette longue nouvelle.


Le récit relate, de manière croisée, la guerre. Pour les hommes, la folie frénétique du front des Ardennes. Pour la femme, l’attente à l’arrière en Vendée. Pas de grands actes héroïques, pas de récits épiques, encore moins de belles histoires d’amour, pas même un grand personnage historique en vue. La vraie vie, racontée comme un journal intime, écrite comme une lettre à un bien-aimé. 


 Le narrateur, spectateur comme nous, relate les scènes de l’horreur quotidienne de 6 personnages. D’un côté: la pénurie, le remplacement des hommes au travail, l’absence de nouvelles, la peur quotidienne de la mort d’un être cher. De l’autre: les tranchées, les pilonnages, la vermine et la peur quotidienne de ne pas revoir l’être cher. Au départ il y eut l’euphorie de la « guerre éclair ». Vite remplacée par les doutes lors de l’enlisement. Puis la rébellion à mesure que l’injustice et l’arbitraire dominaient les décisions des généraux. Les scènes de guerre sont dures, crues et agressent les sens. L’odeur de la crasse et de la pisse. Le bruit des obus qui tombent sans discontinuer. On patauge dans la boue jusqu’aux mollets. On voit la mort qui s’abat sur le camarade de tranchée juste à côté de soi. Sans comprendre la raison de ce miracle personnel. Combien d’entre eux rentreront ? En vie ? Entier seulement…?


 Et cette femme, abandonnée, dont le ventre s’arrondit tous les jours un peu plus. Qui est le père de son enfant ? Lui qui est parti sans lui proposer de fiançailles, sans lui promettre le mariage. Que deviendra-t-elle, si le père ne rentre pas ? Quand recevra-t-elle une lettre ?


 Dans son 15ème roman, Jean Echenoz nous propose d’entrer dans l’intimité, le quotidien, les émotions de ces gens simples qui ont survécu sans héroïsme mais dignité à l’horreur de la Guerre de 14. L’écriture est sobre, sèche, sans fioritures stylistiques. Chaque scène est racontées avec un zèle d’historien des armées. On sait tout de l’équipement du soldat: de la cervelliere sous le képi qui coupe le cuir chevelu…vite remplacée par un casque métallique laqué bleu, tellement poli qu’il brille au soleil… les pantalons rouges garances qui offrent une cible de choix aux coups de feu de l’ennemi… le paquetage de 35 kg détaillé ustensile par ustensile. On connaît tout de la vie quotidienne mais aussi des grandes étapes de ces 4 années de guerre. Il réussit divinement à faire vibrer nos 5 sens :  la chaleur du soleil d’août, les odeurs du foin moissonné, le son des cloches à la déclaration de guerre, le froid humide des tranchées, les odeurs âcres de la fumée, le goût écœurant du « singe », le son des fanfares à l’armistice. Et enfin, la chaleur des étreintes lors des retrouvailles. Mais aussi les douleurs imaginaires de ceux qui rentrent, brisés moralement et physiquement.

 14 raconte une infime partie de la Grande Guerre mais qu’elle est forte, bouleversante et poignante. Mais qu’elle est trop courte cette histoire ! Qu’ils sont attachants ces personnages ! Une fois refermé, on n’a qu’une envie: reprendre le livre du début pour revivre l’émotion… une fois encore !


http://www.lesdouzecoupsdeminuit.blogspot.fr/

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