« Les Neuf Cercles », R.J. Ellory

Critique de le 22 avril 2015

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (7 votes, moyenne: 4,57 / 5)
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Roman

les neuf cerclesUne ambiance lourde, froide et humide nous accueille dès les premières pages. On débarque dans ce roman la tête baissée, les yeux regardant le sol, la terre, la vase. Il y en a pour tous nos sens; l’air est fétide, nauséabond; ça craint, ça pue la mort.

R.J. Ellory plante un décor, une atmosphère, ceci avant toute chose.

Nous sommes en juillet 1974. John Gaines, vétéran de la guerre du Vietnam, est shérif d’une petite ville dans le comté de Breed, dans le Mississippi. Le genre de ville qui ne bouge pas, qui stagne, dans laquelle tout semble figé depuis de nombreuses années. Il faut dire qu’il ne s’y passe pas grand-chose, habituellement.

Avec son adjoint, Richard Hagen, il découvre le corps d’une adolescente au bord d’une étendue d’eau, dans la vase, dans un cercueil naturel constitué de terre, d’eau et de boue. Le corps aurait stagné à cet endroit durant plus de 20 ans. Son torse semble avoir été ouvert, avant d’être refermé à la va-vite. L’autopsie nous révélera ce qu’il s’est produit, à l’époque, entre ces deux étapes, respectivement ce que nous allons découvrir à l’intérieur de ce cadavre.

Le shérif Gaines, quelque peu démuni face à ce vieil homicide, nous expliquera ce début d’enquête, mais surtout il nous parlera de la guerre du Vietnam, car on n’oublie pas cet enfer; ou plutôt, cette guerre ne vous oublie plus. On n’en ressort pas indemne, pas vraiment d’exception.

Il nous parle de la guerre comme si elle était encore là, mais c’est en lui qu’elle vit encore, inlassablement. Les quelques corps qu’il découvre dans le cadre de son job – très peu heureusement -, n’aident pas à oublier. La guerre sera omniprésente dans ce récit noir, maintenue en vie par la mémoire de ce personnage, par son âme détruite et brisée.

« Plus que toute autre chose, John Gaines était l’homme qu’il était devenu au Viêtnam. C’était un homme de la guerre. Une guerre sombre, impitoyable, implacable, qui prenait tout ce qu’il y avait de bon en vous et le remplaçait par du néant. » 

Les lésions dues à la guerre; cet élément sera le fer de lance dans ce récit. L’auteur semble vouloir essayer de comprendre d’où vient le mal qui est en nous, comment il nait et surtout ce qu’on en fait. La mort semble également le fasciner, dans le sens où il essayerait peut-être de la comprendre, voire de l’apprivoiser. Par ce récit, R.J. Ellory nous confronte à la mort en la tournant dans tous les sens, en nous plaçant face à diverses situations bien distinctes, mais qui s’orientent toutes vers la même direction, la douleur, la peur, l’angoisse et le vide.

Etre vivants, pour certains, c’est peut-être pire que d’être morts. Tout devient relatif. Survivre à une guerre, par exemple, est-ce vraiment une chance dans la vie? Pour le shérif Gaines, cela restera un cadeau empoisonné. L’envie de vivre pleinement, intensément, n’est tout simplement pas concevable pour cet homme: sentiment de culpabilité total, même si cet état d’esprit n’aurait vraiment pas lieu d’être. Et pourtant.

Bref… Qu’est-il arrivé à cette jeune fille vingt ans auparavant? Une grande amitié entre adolescents, quelques amourettes, quelques balades, pique-niques au bord de la rivière, la belle vie, l’insouciance, puis soudain ça arrive.

L’enquête va s’avérer difficile, lourde et particulière pour le shérif Gaines; faire parler le temps, toute une histoire. Vingt ans ont passé entre la disparition de la petite et la découverte de son corps. Gaines est plutôt habitué à enfermer des poivrots quelques heures, ou encore gérer de petits conflits de voisinage, mais ici, il devra faire preuve d’esprit d’initiative et de beaucoup de persévérance. La rage qu’il a en lui et qu’il va déployer afin de rendre justice à une victime va carrément lui donner des ailes. Pour lui, la justice doit être rendue, il n’y a pas d’autre option possible.

L’enquête conduira à un suspect, un rescapé de la seconde guerre mondiale, encore un. Un homme qui vit également comme une ombre, dans le souvenir de la mort. Un vice de procédure reconduira cet homme vers la liberté, ou peut-être à nouveau vers l’enfer.

A partir de ce moment-là, Gaines va devoir s’attaquer à bien plus fort que lui: une puissante et influente famille de la région.

R.J. Ellory met en scène la tristesse, le désespoir, la souffrance et la mort. Ces sentiments prennent la place d’un personnage à part entière. Le récit ne nous donne pas beaucoup d’espoir; ce n’est pas avec un grand optimisme que nous tournons ces lourdes pages.

L’auteur, pour noircir encore un peu plus le tableau, nous expliquera aussi comment les Noirs étaient traités dans les années 1970, dans ces Etats bien retirés, peuplés de personnes maniant l’art de la ségrégation autant bien que le fouet. L’Enfer n’est pas si loin pour certains. Et encore, avant d’aller en Enfer, nous sommes censés être jugés. Mais pas ici.

Et lorsque nous arrivons au terme de ce récit, au dénouement, on s’aperçoit que les secrets de famille sont parfois terriblement malsains. On s’aperçoit aussi que certaines personnes sont complétement hors des réalités de la vie, dotées d’un cerveau stérile, profondément égoïstes et sans âme. Sauver et préserver l’honneur de son Nom devient plus fort que tout.

Bonne lecture.

« Les Neuf Cercles », R.J. Ellory

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