Bertrand de Born – Le malheur

Critique de le 30 décembre 2010

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (78 votes, moyenne: 4,72 / 5)
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Littérature Poésie Roman

Après avoir lu l’incipit d’ Invisible de Paul Auster, je suis allé du côté de mes recueils de poèmes médiévaux et j’ai retrouvé ce beau poème. Dante  dans son chant 28 sur l’enfer avait un peu vite assimilé Bertrand à un malade se baladant tête coupée, hagard de ce corps acéphale. Dante, comme plus tard Régis Jauffret trouvait intéressant de punir ses personnages en les séparant de leur tête. Il est temps de réparer l’affront. Lisez donc Paul AUSTER.

Volontiers je ferai poème
si quelqu’un veut bien l’écouter.
L’honneur est mort, et le bien même,
et si je pouvais les venger
je ferais morts et prisonniers
plus nombreux qu’à l’ultime foudre.
La mer ne pourrait les noyer
ni tous les brasiers les dissoudre.

Ce n’est délire ni folie
ce que raconte ma chanson :
Dieu donne rente et chère lie
mais on doit suivre la raison
selon le bord qui nous vit naître :
sans mesure tout est néant,
tel qui veut s’élever s’empêtre
et casse le fil de son temps.

Je sais royaume où roi ne vit,
je sais des comtés sans seigneur,
je sais des marches sans marquis,
puissants châteaux, belles demeures,
mais n’y sont plus les châtelains.
l’argent foisonne cependant.
Ils mangent peu, les greniers pleins :
Les tient un avare méchant.
 

De belles gens, de beaux harnois,
l’on peut bien encore en trouver,
mais où sont Ogier le Danois,
Baudouin, Bernard de Montdidier ?
On voit freluquets bien peignés,
les dents polies, la barbe aux joues,
mais personne qui sache aimer
nobles dames en Cour d’Amour.
 

Qu’ils sont lâches ! Où sont les preux
qui savaient assiéger domaines,
mais aussi vivre des semaines
en une cour de hgens heureux,
qui savaient être par honneur
généreux de coeur et d’argent
pour le soldat, pour le jongleur ?
Je n’en vois plus dorénavant.
 

Si Philippe, roi des Français,
a voulu donner à Richard
Gisors, haut lieu et beaux remparts,
Richard doit l’en remercier.
Mais si Philippe avait du coeur,
Richard ne bougerait de table
sans le trouver, pour son malheur.
S’il n’ose pas, qu’il aille au diable !

Bertrand de Born – Le malheur

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