La Grande Terreur en URSS 1937-1938

Critique de le 10 septembre 2020

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (1 votes, moyenne: 4,00 / 5)
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Histoire

(page 175) :
« Si, pendant cette opération, on fusille mille personnes de plus que prévu, il n’y aura rien de grave ». (Nikolaï Iejov s’adressant aux chefs de région du NKVD pendant la conférence opérationnelle à la veille du déclenchement de la Grande Terreur. Moscou, le 16 juillet 1937).
Tomasz Kizny avait déjà publié un ouvrage de photographies sur les camps de concentration du Goulag Soviétique, en 2003, nommé simplement : « Goulag ».
Ce présent ouvrage a été réalisé, quant à lui, entre 2008 et 2012, grâce, entre autres, au soutien des membres de l’Association Internationale Memorial à Moscou, fondée en 1988, lors de la Perestroïka Gorbatchévienne, par le dissident et Prix Nobel de la Paix : Andreï Sakharov .
Le sujet de cet ouvrage porte donc sur l’effroyable période comprise entre le 5 août 1937 et le 17 novembre 1938 ; période nommée par les historiens : la Grande Terreur de 1937-1938, ou plus communément appelée par le Peuple Russe : la Iejovschina, du nom du responsable et Criminel de masse de la Police Politique Soviétique (N.K.V.D.), Iéjov. C’est sur les ordres du « petit père des Peuples » : Joseph Staline lui-même, que Iéjov déclencha la Grande Terreur.
Tomasz Kizny a donc eu accès à ces portraits anthropométriques, grâce à l’Association Memorial de Moscou, cette dernière les ayant exhumés des Archives de Moscou, après l’effondrement de l’U.R.S.S. en 1991.
En préambule, il est également important de préciser que, contrairement aux bourreaux Nazis, aucun des bourreaux du système Totalitaire Communiste : Soviétique, Maoïste, Khmer Rouge, et autres…, n’a jamais été condamné ni même inquiété pour ces Crimes de masse. Seul, à ce jour, et très récemment en 2012, Douch, le Chef tortionnaire du Centre d’interrogatoire, de torture et d’extermination, S-21, à Phnom Penh, lors du Génocide Cambodgien, a été condamné à la réclusion à perpétuité, pour : Crimes contre l’Humanité.

Cette Grande Terreur déclenchée sur la base du premier ordre d’extermination n°00447, rédigé le 30 juillet 1937 engendra, en seulement 16 mois : la déportation dans les camps de concentration du Goulag Soviétique, de 800 000 victimes, pour dix ans de travaux forcés, ainsi que l’exécution sommaire et arbitraire de : 750 000 « ennemis du peuple » !
Ces exécutions représentent 50 000 exécutions par mois, 1 600 par jour, ou encore 1 par minute 24 heures/24 durant les 16 mois de la Grande Terreur, d’août 1937 à novembre 1938 ; soit 1 Russe adulte sur 100 qui fut exécuté d’une balle dans la nuque, pendant cette tragique période.
Ici, avec les photos, point de longs discours : la terreur, l’effroi, la peur, l’incrédulité, l’incompréhension, la stupeur…, se lisent sur les visages, juste avant les exécutions sommaires d’une balle dans la nuque, ou comme disaient les Zeks (prisonniers) Russes du régime Communiste, de : 9 grammes dans la nuque !
Mais en plus de ces photos qui vous émeuvent, tout en vous glaçant le sang, Tomasz Kizny a récolté une foultitude de témoignages d’enfants, de descendants ou de familles de victimes, relatant la manière dont les exécutions de leurs parents se sont sauvagement réalisées. Pour beaucoup d’enfants (âgés aujourd’hui), ils n’ont eu accès à ces informations cruciales pour la Mémoire de leur famille et du Peuple Russe, qu’après la fin de l’U.R.S.S. en 1991 et l’ouverture partielle des Archives à Moscou.

Tomasz Kizny nous présente donc les photos des condamnés à mort qui furent exécutés, et même des photos des listes de personnes à exécuter par le N.K.V.D., provenant de quotas à atteindre par le N.K.V.D. à travers toute l’U.R.S.S.. L’auteur nous présente également les photos des nécropoles des dizaines de charniers découverts, principalement, depuis le début des années 1990. Mais ces nombreux charniers ne représentent, en réalité, qu’une infime partie des 750 000 personnes exécutées dans l’anonymat et le secret le plus complet, et ensevelies dans des fosses communes, éparpillées sur tout le territoire de l’immense Russie. Probablement que certains autres charniers seront encore découverts au fil du temps, des recherches, ou par hasard, lors de l’ouverture de chantiers (constructions d’immeubles, d’autoroutes et autres infrastructures en tous genres…). Mais de très nombreux charniers ne seront certainement jamais retrouvés ; et d’innombrables familles resteront, tragiquement, éternellement, dans l’expectative quant à savoir ce que sont devenus leurs parents : quand, comment et où ils ont été tués ? !

1 / D’abord, donc, en ce qui concerne les photos des personnes exécutées : elles représentent tous types de citoyens Russes : hommes, femmes, jeunes gens, personnes âgées, souvent des gens pauvres, bref des citoyens « ordinaires » qui, grâce à ce superbe ouvrage sont identifiés et « réhabilités » à titre posthume ; tout en mettant en valeur l’ampleur de l’horreur des souffrances psychologiques et physiques qu’ils ont subies, avant d’être exécutés d’une balle dans la nuque !
Alors, laissez-moi leurs rendre hommage à travers ces quelques portraits de victimes, soi-disant, de « dangereux ennemis du peuple » :
– page 80 :
« Guermoguen Makarevitch Orlov

Russe, né en 1918 à Toula.
Étudiant en histoire à l’Université de Moscou, sans-parti.
Domicilié à Moscou, pereoulok Maly Kharitonevski 7, app. 3.

Arrêté le 5 septembre 1937
Condamné à mort le 25 janvier 1938
Exécuté le même jour [à l’âge de 20 ans]
Réhabilité en 1957 ».
– page 78 :
« Marfa Ilinitchna Riazantseva

Russe, née en 1866 dans le village de Kosafort,
près de Makhatchkala, Daghestan,
sachant à peine lire et écrire, sans-parti, retraitée.
Domiciliée à Moscou, rue 1er Mechtchanskaïa 62, app. 26.

Arrêtée le 27 août 1937
Condamnée à mort le 8 octobre 1937
Exécutée le 11 octobre 1937 [à l’âge de 71 ans]
Réhabilitée en 1989 ».
– page 92 :
« Raïssa Samouilovna Botchlen

Juive, née en 1917 dans la ville de Harbin, en Chine.
Études secondaires, sans-parti, dactylographe
dans l’administration de la Route maritime du Nord.
Domiciliée à Moscou, rue Piatnitskaïa 65, app. 7.

Arrêtée le 23 septembre 1937
Condamnée à mort le 29 octobre 1937
Exécutée le 3 novembre 1937 [à l’âge de 20 ans]
Réhabilitée en 1989 ».
– page 126 :
« Ivan Alekseïevitch Belokachkine

Russe, né en 1921 dans le village de Novoïe Selo,
district Ramenski, région de Moscou.
Études élémentaires, sans-parti, sans occupation définie
et sans domicile fixe.

Arrêté en 1937 à une date inconnue
Condamné à mort le 8 mars 1938
Photographie faite le 13 mars 1938
Exécuté le 14 mars 1938 [à l’âge de 17 ans]
Réhabilité en 1955 ».

– La photo de couverture de cet ouvrage est celle, de (page 58)… :
« Alekseï Grigorievitch Jeltikov

Russe, né en 1890 dans le village de Demkino,
dans la région de Riazan.
Études élémentaires. Quitte le VKP (Vsesoïouznaïa kommounistitcheskaïa Partia (bolchevikov), Parti communiste panrusse (des bolcheviks)) en 1921 en signe de désaccord
avec la Nouvelle politique économique (NEP) du parti.
Serrurier dans les ateliers du métro moscovite.
Domicilié à Moscou, rue Sadovaïa-Tchernogriazskaïa 3, app. 41.

Arrêté le 8 juillet 1937
Condamné à mort le 31 octobre 1937
Exécuté le jour suivant [à l’âge de 47 ans]
Réhabilité en 1957 ».
Etc., etc., etc..

Avant d’être exécutées, et comme cela était devenu l’infâme règle sous l’ère Soviétique (et plus tard sous les autres régimes Totalitaires Communistes de la planète), les victimes devaient se soumettre à des interrogatoires et étaient torturées afin de leur faire avouer d’absurdes fautes imaginaires, et qui plus est, devaient dénoncer n’importe qui, uniquement par principe Idéologique et pour remplir les conditions et procédures « administratives », les conduisant à leur propre exécution (page 146) :
« Pendant les quinze mois de Grande Terreur, tous les services du NKVD sur l’ensemble du territoire de l’URSS, dans la capitale comme dans les districts, se sont mués en lieux de tortures où des milliers de personnes on été systématiquement persécutées. Avant de signer leur condamnation, les victimes étaient obligées d’avouer sous la torture des crimes absurdes, des complots imaginaires et de livrer leurs « complices » : la logique interne de la Terreur voulait que le prévenu avoue sa faute. Les tortures les plus fréquentes étaient les coups violents et la privation de sommeil pendant plusieurs jours d’affilée, appelée convoyeur ou stoïka, mais les sévices infligés pouvaient prendre diverses formes selon le bon vouloir des interrogateurs. Les instructions sur la manière de traiter les prévenus, illustrées parfois par des exemples concrets, étaient transmises oralement aux services régionaux du NKVD. Un des rares documents écrits concernant les tortures est un télégramme chiffré de Staline envoyé le 21 janvier 1939, alors que les « opérations de masse » étaient déjà terminées.

« Aux secrétaires des Comités régionaux et des Comités centraux des républiques ainsi qu’aux chefs des organisations du NKVD. Le Comité central du parti considère que l’application de méthodes de pression physique est autorisée à compter de l’année 1937.
(…) Le Comité central du parti estime que la pression physique devrait être appliquée comme une méthode à la fois légitime et efficace dans le cas exceptionnel d’ennemis du peuple connus et acharnés. Le secrétaire du Comité central du parti. J. Staline. »
20.01.1939
(R. Conquest, La Grande Terreur [trad. par M.-A. Revellat et Cl. Seban], Paris, 1995, p. 530). »

2 / De plus, les auteurs de cet ouvrage nous proposent plusieurs extraits de dépositions d’agents du NKVD et de témoignages de survivants, décrivant ces scènes d’interrogatoires et de tortures, dont voici quelques exemples (pages 146 à 149) :
« Extrait du procès-verbal de l’interrogatoire du chef de la 3e section municipale de l’OUNKVD – Rogova, Oulianovsk, 1939 : « … nous arrêtions des gens sans aucun élément [à charge] contre eux, puis on leur arrachait des aveux de culpabilité sans savoir si le prévenu était coupable ou non. (…) Krassikov frappait bestialement avec l’écouvillon de sa carabine le prévenu Konstantinov, étendu, les mains liées. Pour finir (…) Konstantinov est devenu fou. »
(Iou. Zolotov, réd. [ouvrage collectif], Kniga pamiati jertv polititcheskikh repressi, t. l, Oulianovsk, 1996, p. 1004). »

« Extrait du procès-verbal du fonctionnaire de l’OUNKVD, Ivan Anissimov, Vologda, le 26 décembre 1938 : « En ma présence, Vorobiev a frappé le prévenu sur le nez avec une grosse règle jusqu’à ce que la peau du nez se fende. Au même moment, Vlassov a donné des coups de tisonnier sur la tête du prévenu. Ovtchinnikov a raconté par la suite que la même nuit Vlassov avait crevé l’œil droit du prévenu, puis qu’ils l’avaient tué. (…) Il a ajouté que cette nuit-là, ils avaient encore tué deux autres personnes. »
(Archives de l’Association internationale Memorial / Archives centrales du service fédéral de sécurité de Russie FSB, Moscou). »

« V. Boïarski fut interrogateur dans l’Ossétie du Nord. (…) Il interrogea notamment pendant huit jours une institutrice, Fatima Agnaïeva, puis la fit pendre par les cheveux jusqu’à ce que mort s’ensuivît. »
(R. Conquest, La Grande Terreur [trad. par M.-A. Revellat et Cl. Seban], Paris, 1995, p. 532).

« Extraits de la plainte de K.P. Borissov, prisonnier de la 4e section de l’OUNKVD de Kargopol, au procureur général de l’URSS, le général Andreï Vychinski.
« … Chirine a téléphoné et deux interrogateurs se sont présentés dans son bureau, Gounia et Antonov, soûls tous les deux. Ils m’ont enfoncé une casquette dans la bouche et m’ont allongé sur une chaise, dos vers le haut. Gounia m’a tordu les mains dans le dos et a placé ma tête entre ses jambes. Entre-temps Chirine avait commencé à me frapper avec le pied d’une chaise. J’ai perdu connaissance, je ne suis revenu à moi que dans le couloir lorsqu’on m’a aspergé d’eau. À mes côtés, un autre corps était allongé, sans connaissance, un cadavre. (…) Mes camarades de cellule ont eu peur lorsqu’ils m’ont vu arrangé de la sorte. Ils ont dénombré 33 zébrures noires sur mon corps dues aux coups reçus avec le pied de chaise. (…) Quatre jours plus tard, on m’a fait revenir dans le bureau N°74, chez Antonov, et tout a recommencé. Chirine est entré avec les deux interrogateurs Antonov et Gounia, soûls, se vantant d’avoir bu 100 grammes d’alcool pur ; ils ont commencé à me torturer. J’ai perdu connaissance. Puis Antonov s’est assoupi sur le canapé tandis que Gounia sortait de sa poche un objet en métal, m’ouvrait la bouche et plaçait l’objet sur l’une puis sur l’autre dent ; en appuyant, il m’a cassé ainsi trois dents. Lorsque j’ai perdu connaissance, il m’a aspergé d’eau, m’a détaché de la chaise et placé contre le mur. Antonov s’était réveillé entre-temps ; Gounia a pris sa place tandis qu’Antonov s’est mis à son tour à m’assommer de coups comme à la boxe (…) ».
(O. Lochitski, « Laboratoria. Novi dokoumenti i svidtchennia pro massovi repressi 1937-38 rokiv na Vinntchtchini », revue Z arkhiviv VOUTCHK-GPOU-NKVD-KGB, N°1/2, Kiev, 1998, p. 206). »

« Extrait du rapport du commandant en chef de la section des prisons du NKVD, J. Weinstok pour N. Iejov, Moscou, le 15 février 1938 : « En novembre et décembre 1937, on a noté 28 cas de suicide parmi les prévenus (…). En comparaison d’octobre 1937 (…) le nombre de suicides a diminué de moitié. (…) Plusieurs cas se sont produits parce que les recommandations de l’arrêté N°100 [sur la prévention des suicides] n’ont pas été suivies à la lettre. Ainsi dans le bâtiment du NKVD du district de Leningrad, le 17 novembre, au moment où on le reconduisait dans le couloir après son interrogatoire, l’espion Ivankovitch A.A. frappa l’interrogateur, s’échappa en courant et sauta par une fenêtre non grillagée du cinquième étage. Des suicides par défenestration dans les locaux du NKVD eurent lieu également dans la république d’Azerbaïdjan, dans la république autonome de Kabardino-Balkarie et dans le district de Smolensk. (…) Au NKVD de la république d’Ukraine, Busse K.Iou, arrêté sous l’inculpation de trahison à la patrie, réussit à désarmer l’enquêteur pendant l’interrogatoire et à se tirer une balle. (…) ».
(Archives de l’Association internationale Memorial / Archives centrales du service fédéral de sécurité de Russie FSB, Moscou). »
Puis les co-auteurs de l’ouvrage (dont l’historien Français spécialiste du régime Soviétique : Nicolas Werth) nous décrivent également l’effroyable déroulement des exécutions nocturnes (pages 168 et 169) :
« Les exécutions se passaient pendant la nuit dans des « cellules de mort » appelées spetskamera, préparées spécialement dans les sous-sols des bâtiments du NKVD ; elles disposaient en règle générale d’une sortie donnant sur la cour pour faciliter le chargement et le transport des cadavres par camions. La description d’une « cellule de mort » à Moscou, au pereoulok Varsanofeski, nous indique que le bourreau se plaçait face à un mur en madriers, sans doute pour éviter le ricochet des balles, que le sol de ciment était en dénivelé et qu’il y avait des tuyaux d’arrosage (note n°3, page 171 : récit du procureur militaire général adjoint de l’URSS Nikolaï Afanassiev, témoin de l’exécution de N. Iejov le 4.02.1940. M. Jansen, N. Petrov, Stalin’s Loyal Executioner. People’s Commissar Nikolai Ezhov, 1895-1940, Stanford, 2002, pp. 188-189). Dans les bureaux régionaux du NKVD, pour l’absorption du sang, le sol des spetskamera était recouvert de sciure de bois qu’on changeait de temps à autre et qu’on charriait avec les cadavres dans les fosses communes (des agglomérats de copeaux de bois ont été trouvés dans les tombes d’Irkoutsk et de Voronej lors des exhumations, cf. p. 310).
Une autre façon de procéder était de transporter les condamnés à l’endroit où l’on avait préalablement préparé des fosses et de les fusiller sur place. On entravait les condamnés avant de les tuer en leur liant les mains, parfois aussi les pieds, ou bien on leur donnait un coup sur la tête avec un objet lourd pour leur faire perdre conscience. Le bourreau professionnel de Leningrad, le capitaine Mikhaïl Matveïev, utilisait dans ce but des gourdins en bois de bouleau qu’il avait conçus lui-même (cf. p. 296). Parmi les victimes exhumées par les nazis en 1943 à Vinnitsa, 395 avaient le crâne enfoncé. Grigori Tchazov, qui survécut à une exécution à Kemorovo en Sibérie (cf. pp. 260 ss), parle aussi dans son témoignage de coups donnés sur la tête. On abattait les condamnés d’un coup de revolver tiré à bout portant dans la nuque ; on se servait le plus fréquemment du Nagan, l’arme de service du NKVD. On tirait souvent des balles supplémentaires « de contrôle » pour achever les victimes. Les bourreaux professionnels de Moscou utilisaient des pistolets allemands, les Walther PP, qui chauffaient moins pendant les tirs successifs. À Moscou, de la fin 1937 jusqu’au début août 1938, on utilisait des voitures appelées douchegoubki dans lesquelles on assassinait les prisonniers à l’aide des gaz d’échappement sur la route de la prison au polygone de Boutovo, lieu d’enfouissement près de Moscou (cf. p. 236). »
Voici donc comment se déroulaient les exécutions au polygone de tirs de Boutovo, près de Moscou (page 236) :
« Les condamnés étaient convoyés des prisons moscovites à une ou deux heures du matin. Ils ne savaient pas où ils étaient transférés ni pourquoi. Le personnel de service de la zone de la mort entourée de barbelés comptait près d’une vingtaine de fonctionnaires du NKVD. À l’endroit où s’arrêtaient les fourgons cellulaires s’élevait un mirador, le territoire était éclairé par des projecteurs. Les prisonniers étaient parqués dans un grand baraquement où leur identité était soigneusement vérifiée, notamment au moyen des photographies de prison. Ils étaient emmenés, un par un, du baraquement, les exécutions se faisaient d’une balle dans la nuque, au bord du fossé. Trois ou quatre personnes étaient exécutées en même temps.

Les fosses d’exécution, longues de plusieurs dizaines de mètres, larges de près de trois mètres et profondes de plus de trois mètres, étaient creusées par une pelleteuse lourde Komsomolets. Le commando d’exécution avait à sa disposition une quantité illimitée de vodka. À l’aube, les bourreaux accomplissaient les formalités, signaient les procès-verbaux et recevaient un repas. Puis, ils étaient reconduits à Moscou, en priorité ceux qui étaient ivres morts.

Les cadavres étaient recouverts de terre par un bulldozer. En une nuit, de cent à trois cents personnes, voire plus, étaient abattues. Un procès-verbal de fin d’exécution daté du 28 février 1938 cite une liste de 562 personnes, mais il se peut que celle-ci contienne les noms des victimes tuées pendant deux nuits de suite. »
Toujours, au polygone de la mort de Boutovo, aujourd’hui (comme nous l’avons déjà vu plus haut), nous savons également qu’une partie des victimes furent gazées (page 238) :
« Fiodor Tchesnokov, membre du groupe d’exécution d’Isaï Berg, avoua en 1956 : « Ces camions étaient équipés de soupapes grâce auxquelles on pouvait orienter les gaz à l’intérieur du véhicule ».

On ignore à quelle échelle ces camions furent utilisés, mais on peut présumer que pendant la période où Berg dirigeait les exécutions (octobre 1937-4 août 1938), au moins une partie des condamnés fut gazée. En 1997, à l’occasion de fouilles dans une fosse d’exécution, les archéologues retrouvèrent au-dessus des cadavres, cinq paires de gants en caoutchouc retournés à l’envers qui avaient certainement été jetés dans la fosse par les bourreaux à la fin de leur « travail ». Les archéologues établirent que les victimes avaient été inhumées en automne ou en hiver, donc à l’époque où Berg dirigeait les exécutions à Boutovo. Sur 59 cadavres exhumés, seulement quatre avaient le crâne percé d’une balle. En 1956, Isaï Berg ne fut pas réhabilité, mais en 1962, à la demande de sa famille, le procès fut révisé et l’inventeur des camions à gaz fut réhabilité à titre de victime de la Terreur stalinienne. »
Malgré le caractère massivement criminogène de la Grande Terreur, le régime Soviétique a tout fait, et réussi, à maintenir le secret absolu durant de longues décennies… (page 177) :
« S’il frappe par son ampleur, ce crime de masse se caractérise aussi par le secret qui l’entoura, si l’on fait abstraction des quelques centaines de procès publics de responsables politiques mis en scène en 1937-1938. Secret de l’instruction ; secret du jugement, prononcé à huis clos, le plus souvent en l’absence de l’accusé, privé de toute défense ; secret de l’exécution, mise en œuvre dans des lieux tenus secrets. Fait capital : les familles des condamnés à mort n’étaient jamais informées de la sentence. Si elles parvenaient, au terme d’interminables démarches, à obtenir une « information » sur le sort de leur proche, il leur était dit que celui-ci avait été condamné à « dix ans de camp sans droit de correspondance ». Le mensonge sera gardé des décennies durant, bien après la disparition de Staline et, pour la plupart des victimes, jusqu’à la disparition du régime soviétique. »

3 / Grâce aux recherches, entre autres, de l’Association Memorial de Moscou, d’autres dizaines de charniers dits également « polygones de la mort », ont été découverts après l’effondrement de l’URSS, en 1991. L’une des plus grandes nécropole est donc celle de Boutovo dans laquelle furent enfouis, entre le 8 août 1937 et le 19 octobre 1938 : 20 761 suppliciés, après avoir été exécutés. Puis, d’autres charniers furent découverts :
– Kommounarka dans la région de Moscou ;
– Levachovo dans la banlieue de Saint-Pétersbourg, comprenant 46 000 cadavres issus des exécutions du début des années 1920 jusqu’au début des années 1950, dont la majorité provenant de la Grande Terreur ;
– Sandarmokh près de la petite ville de Medjegorsk, en Carélie ;
– Bykovnia près de Kiev ;
– Vinnitsa ;
– Doubovka près de Voronej ;
– Kurapaty dans la région de Minsk ;
– Etc., etc., etc..

Conclusion :
Comme je l’ai déjà mentionné au début de ce commentaire, on retrouvera sous le régime Totalitaire Communiste des Khmers Rouges, lors du Génocide Cambodgien perpétré entre 1975 et 1979, les mêmes portraits précédents les exécutions. En effet, Douch dans sa fuite, suite à l’invasion Vietnamienne en janvier 1979, laissa sur place, dans le Centre d’interrogatoire, de torture et d’extermination S-21 à phnom Penh, une foultitude de documents concernant ses 15 000 victimes, dont, leurs faux aveux forcés et leurs portraits anthropométriques.

Malheureusement la Grande Terreur de 1937-1938 ne représente qu’une partie de l’immensité des Crimes contre l’Humanité et Génocides qui ont été perpétrés sous le régime Soviétique et, ceci, dès la prise du Pouvoir, lors du coup d’État du 25 Octobre 1917, par le Parti Bolchevique (Communiste) de Lénine, Trotski, Staline, Zinoviev, Kamenev et consorts Terroristes de masse…

Par exemple, un autre Crime de masse Stalinien, celui de Katyn en 1940, reproduisit le même processus d’extermination que celui de la Grande Terreur.

Dans cet indispensable ouvrage pour notre Mémoire Universelle, les photos associées aux nombreux témoignages et Archives, rendent le récit historique du Totalitarisme Communiste Soviétique, toujours plus concret et…, effroyable !

Confer également, sur le même thème, les passionnants ouvrages de :
– Nicolas Werth : « Les Procès de Moscou 1936-1938 » ;
– Nicolas Werth : « L’ivrogne et la marchande de fleurs : Autopsie d’un meurtre de masse 1937-1938 » ;
– Robert Conquest : « La Grande Terreur précédé de Sanglantes moissons : Les purges staliniennes des années 30, la collectivisation des terres en URSS ».

Détails sur La Grande Terreur en URSS 1937-1938

Auteur : Tomasz Kizny

Nombre de pages : 410

Isbn : 978-2882503039

La Grande Terreur en URSS 1937-1938

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