Eichmann à Jérusalem

Critique de le 13 septembre 2020

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (1 votes, moyenne: 1,00 / 5)
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Essais Histoire

A travers cet ouvrage essentiel, Hannah Arendt analyse non seulement : le procès de Adolf Eichmann à Jérusalem en 1961, mais également tout le contexte historique qui a conduit à l’horreur de la Shoah.

Il est stupéfiant de constater que lors de son procès, Eichmann prétendait ne pas se sentir responsable de la mort, de qui que soit, uniquement sous le prétexte ahurissant, qu’il n’aurait tué personne de ses propres mains (ce qui reste à démontrer).
Pour lui, le fait, comme il disait : d’ »aider et d’encourager » à l’extermination de MILLIONS d’êtres humains, ne relevait aucunement de sa propre responsabilité.
Selon Eichmann, il ne faisait que son « devoir », il obéissait aux ordres, et cela ne lui posait donc aucun problème de CONSCIENCE.
« Arguments » évidemment, totalement inacceptables face à l’ampleur des FAITS et… de la MORALE !

Le seul moyen grotesque qu’il trouva pour sa défense, fut de MENTIR de manière éhontée.
En effet, sa seule stratégie aberrante de défense était donc de tout nier en bloc, alors qu’il été accusé d’être l’un des principaux organisateurs et responsables de l’horreur que fut : « La solution finale de la question Juive. »
Voici ce qu’il osa déclarer pendant son procès, page 75 :

« Je n’avais rien à voir avec l’assassinat des Juifs. Je n’ai jamais tué un Juif ni d’ailleurs un non-Juif – je n’ai jamais tué aucun être humain. Je n’ai jamais ordonné qu’on tue un Juif ou un non-Juif. Je ne l’ai simplement pas fait. »

Ce que Eichman acceptait donc éventuellement (ce qui pour lui ne paraissait étonnamment pas grave), c’était d’être « juste » coupable des crimes énoncés, page 430 :

« Il convient de rappeler qu’Eichmann avait affirmé de façon inébranlable qu’il n’était coupable que d’avoir « aidé et encouragé » l’exécution des crimes dont on l’accusait, qu’il n’avait jamais, personnellement, commis un crime manifeste. »

Hannah Arendt suggère qu’il s’était enfermé dans un schéma mental « d’automystification », en se mentant à lui-même afin de se dédouaner de sa propre responsabilité.

Alors, « automystification » ET/OU purement et simplement, ignoble ruse mûrement réfléchie pour tenter d’amoindrir son degré de responsabilité ?

Car en effet, à la fin de la guerre ce même bourreau, Eichmann, se vantait auprès des SS, d’avoir fait parti des principaux tortionnaires de cette barbarie, pages 113 et 114 :

« Je sauterai dans ma tombe en riant, car c’est une satisfaction extraordinaire pour moi que d’avoir sur la conscience la mort de cinq millions de Juifs » (ou « ennemis du Reich », c’est-ce qu’il a toujours prétendu avoir dit). »

Compte tenu de l’immensité des crimes, le Tribunal considérant judicieusement qu’il ne s’agissait pas d’un crime « ordinaire », le jugement porta donc sur la responsabilité globale de Eichmann, dans ses gigantesques Crimes contre l’Humanité et Génocide, page 430 et 431 :

« Considérant ses activités à la lumière de l’article 23 de notre code pénal, nous estimons qu’elles étaient essentiellement celles d’une personne sollicitant les conseils d’autrui, ou donnant à autrui des conseils et d’une personne qui en aidait d’autres ou leur permettait d’accomplir des actes criminels ». Mais « comme le crime en question est aussi énorme que complexe, qu’il supposait la participation d’un grand nombre de personnes, à différents niveaux et de différentes manières – les auteurs des plans, les organisateurs, les exécutants, chacun selon son rang – il n’y a pas grand intérêt à faire appel aux notions ordinaires de conseils donnés ou sollicités dans l’accomplissement du crime. Car ces crimes furent commis en masse, non seulement du point de vue du nombre des victimes, mais aussi du point de vue du nombre de ceux qui perpétrèrent le crime et, pour ce qui est du degré de responsabilité d’un de ces nombreux criminels quel qu’il soit, sa plus ou moins grande distance par rapport à celui qui tuait effectivement la victime ne veut rien dire. Au contraire, en général le degré de responsabilité augmente à mesure qu’on s’éloigne de l’homme qui manie l’instrument fatal de ses propres mains. »

Ce qui est certain, c’est que Eichmann n’était : ni fou ni idiot, mais un individu « normal », totalement dénué de toute conscience morale, incapable de faire la distinction entre le Bien et le Mal ; ce qu’exprime parfaitement Hannah Arendt, page 495 :

« Il n’était pas stupide. C’est la pure absence de pensée – ce qui n’est pas du tout la même chose que la stupidité – qui lui a permis de devenir un des plus grands criminels de son époque. »

Puis, toujours, page 495 :

« Qu’on puisse être à ce point éloigné de la réalité, à ce point dénué de pensée, que cela puisse faire plus de mal que tous les mauvais instincts réunis qui sont peut-être inhérents à l’homme – telle était effectivement la leçon qu’on pouvait apprendre à Jérusalem. Mais ce n’était qu’une leçon, ce n’était pas une explication du phénomène ni une théorie à ce sujet. »

Comme pour Rudolf Hoess le Commandant d’Auschwitz et de Franz Stangl le Commandant du centre d’extermination de Treblinka, on constate chez Eichmann l’absence de folie au sens pathologique du terme, car il était parfaitement déterminé à accomplir les ordres et les missions qui lui étaient confiés, concernant la : « Solution Finale ».

Il était ambitieux voire zélé dans l’accomplissement de son infâme « mission » exterminatrice.
De plus, il éprouvait à la fois un très grand mépris et une indifférence totale pour LA VIE HUMAINE. C’est ce que Hannah Arendt nomme la : « Banalité du MAL ».

Il n’est pas rassurant de se dire que de tout temps (passé, présent, futur) des hommes sont capables d’éprouver consciemment, une indifférence voire une certaine jubilation dans l’anéantissement d’AUTRUI. Et lorsque ces hommes se retrouvent à des postes à responsabilités dans des régimes Totalitaires, alors, ils sont capables d’exterminer des masses inouïes d’individus !

Il est tout aussi effrayant de constater que des : Eichmann, des Hoess, des Stangl, etc.., se comptaient par milliers en Allemagne, aux ORDRES du IIIème Reich d’Hitler, pendant la Seconde Guerre Mondiale. Certes, à des postes moins importants, mais en revanche, ce sont ces bourreaux qui étaient chargés de la basse besogne consistant à massacrer des populations entières, comme par exemple, les bataillons exterminateurs SS (les Einsatzgruppen).

Quant à la « passivité » d’une partie du Peuple Allemand (comme en France d’ailleurs, sous le Gouvernement de Vichy) dans la politique du IIIème Reich, cela relève d’un autre grand débat…

Eichmann fut condamné à mort le 15 décembre 1961 et pendu le 31 mai 1962.

Confer également d’autres ouvrages aussi passionnants sur le même thème, de :
– Gitta Sereny « Au fond des ténèbres : un bourreau parle, Franz Stangl, commandant de Treblinka » ;
– Tzvetan Todorov Mémoire du mal, Tentation du bien : enquête sur le siècle ;
– Tzvetan Todorov Face à l’extrême ;
– Rudolf Hoess Le commandant d’Auschwitz parle ;
– Hannah Harendt Le système totalitaire : Les origines du totalitarisme ;
– Shlomo Venezia Sonderkommando Sonderkommando : Dans l’enfer des chambres à gaz ;
– David Rousset L’Univers concentrationnaire ;
– Primo Levi Si c’est un homme ;
– Primo levi Les Naufragés et les Rescapés : Quarante ans après Auschwitz ;
– Michel Terestchenko Un si fragile vernis d’humanité : Banalité du mal, banalité du bien.

Détails sur Eichmann à Jérusalem

Auteur : Hannah Arendt

Editeur : Gallimard

Nombre de pages : 484

Isbn : 978-2070326211

Eichmann à Jérusalem

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